ÉDITO du 26 FÉVRIER 2018
LE PILORI
Dans le tourbillon des informations quotidiennes, les affaires judiciaires occupent désormais une place importante. D’autant plus importante qu’elles sont susceptibles de faire trébucher, voire d’éliminer des personnalités importantes de la scène politique. Hier François Bayrou, aujourd’hui Nicolas Hulot. Qui demain ?
Beaucoup applaudissent dans ce contexte à la libération de la parole des femmes, au journalisme d’investigation, au contre-pouvoir de la presse. Et il n’est pas question de contester le bien fondé de ces avancées.
Mais il faut avoir présent à l’esprit que toute liberté peut aussi dégénérer en licence. L’abus de droit existe, et peut d’ailleurs être sanctionné judiciairement. On doit se souvenir que le temps de la Justice n’est, ni celui de l’information, ni celui des échéances politiques.
On peut ainsi clouer au pilori de la suspicion (toujours prompte à se répandre en France) celui que l’on veut écarter du pouvoir. Avec des arrière-pensées politiciennes. Certains ne s’en sont jamais relevés (Pierre Bérégovoy). En son temps, Dominique Baudis a du faire face à des rumeurs abjectes dont les auteures n’ont été condamnées qu’après bien des années.
Mon confrère Henri Leclerc a récemment et justement affirmé que «la justice d’opinion cloue les hommes au pilori». On ne saurait mieux dire.
La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, texte supra national qui s’applique chez nous en priorité sur la loi française, énumère dans son article 6 une série de droits judiciaires basiques dont toute personne doit pouvoir bénéficier. C’est ce que les praticiens appellent le droit au procès équitable.
Il permet par exemple à un suspect d’être informé de ce dont on l’accuse, d’être confronté à des témoins etc.
Mais la presse, les réseaux sociaux n’instruisent pas comme les juges d’instruction. Ce qui prime, c’est le spectaculaire, le scandaleux …
Que reste-t-il, en effet, de ces droits lorsqu’une personnalité (surtout politique) fait l’objet d’une enquête dont elle ignore le contenu alors que les journalistes en ont pris connaissance parfois frauduleusement ? Que reste-t-il de ces droits quand un «témoin» s’exprime, visage flouté et voix maquillée, devant les caméras de télévision ? Rien.
Aucun Tribunal, aucune Cour en France n’accepterait pourtant d’examiner un dossier secret, d’écouter un témoin cagoulé.
On en est ainsi, dans les réseaux sociaux et dans certaines rédactions, revenu aux pratiques médiévales. Le téléspectateur est invité, au fond de son fauteuil, à admirer le pilori.
Il nous appartient, comme citoyens, de dénoncer autour de nous les dérives insupportables de ces justiciers qui n’instruisent qu’à charge et parfois au risque de ruiner définitivement la réputation des gens.
Alain GUILLOUX
Membre du Conseil Départemental Modem 56