ÉDITO du 29 JANVIER 2018
ET SI NOUS COLLABORIONS AVEC LA NATURE,
POUR UNE SOCIÉTÉ DU MIEUX VIVRE ENSEMBLE ?
Un discours prononcé par une enfant de 12 ans, Severn Cullis-Suzuki, au Sommet de la Terre à Rio en 1992, reste terriblement d’actualité. Elle exhortait alors les chefs d’État à changer leur façon de faire et déclarait «Je me bats pour mon futur. Perdre mon futur n’est pas pareil que de perdre des élections ou quelques points à la bourse».
Depuis, économistes, scientifiques, ONG n’ont eu de cesse de tirer le signal d’alarme sans que nous changions radicalement notre façon de procéder.
Le dérèglement climatique s’accentue, la perte de la biodiversité s’est dramatiquement accélérée, sans parler des ressources qu’il faut arrêter de gaspiller.
Toutes ces crises ont et auront de plus en plus de conséquences délétères, tant au niveau social qu’au niveau économique. Au niveau mondial, les dangereuses conséquences de cette inaction se posent notamment en termes de sécurité, de réfugiés climatiques etc.
Et pourtant, les solutions existent, mais demandent de changer radicalement notre façon de procéder et d’avoir une réflexion sur le moyen et long terme. «On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré» déclarait très justement Albert Einstein.
Et si au lieu de vouloir lutter contre la nature, nous en tirions des enseignements et collaborions avec elle pour vivre harmonieusement tous ensemble ?
La nature ne produit pas de déchet, tout y est recyclé. Ce qui pourrait se traduire à terme, après une période de transition, par une société du zéro déchet, de l’économie circulaire à impact positif (avec éco-conception des produits, énergie renouvelable pour leur fabrication et recyclage intégral dans un cycle technique ou biologique). En effet, produire des montagnes de déchets pour l’incinération et l’enfouissement a un coût effroyable pour la société.
La biodiversité doit être protégée car elle joue un rôle très important pour garantir une agriculture durable et notre alimentation. Elle est également une source d’inspiration quasi inépuisable pour nos scientifiques et nos entreprises, la nature ayant trouvé des solutions à bon nombre de problèmes depuis des millénaires. A titre d’exemple, le velcro ou scratch que l’on retrouve sur nos manteaux ou nos baskets reproduisent les crochets de la bardane, plante de la famille des asters.
Le réchauffement climatique, que certains confondent avec la météo, ne peut plus être nié, tant il met en danger non seulement les futures générations mais déjà la génération de nos enfants et petits-enfants.
Les inondations dues aux crues que nous vivons actuellement ont de terribles conséquences, car nous n’avons pas travaillé avec la nature qui pourrait pourtant être un élément structurant de l’aménagement du territoire. La vallée de la Bièvre en est un merveilleux exemple : le système mis en place par les responsables de terrain, misant sur des infrastructures vertes, notamment des bassins naturels de rétention d’eau, a fait ses preuves.
La préservation des zones humides : agissant comme de véritables éponges, celles-ci évitent les phénomènes de ruissellement et peuvent stocker jusqu’à 15 000 m3 d’eau par hectare. Nous avons beaucoup trop imperméabilisé les sols notamment dans les villes. Des travaux de reconquête du milieu naturel ont besoin d’être entrepris. Toitures végétalisées, rendre à la végétation des zones goudronnées, sont des exemples d’initiatives qui, pris isolément, n’ont certes pas beaucoup d’impact, mais dont l’effet cumulatif permettra d’atteindre une masse critique et de jouer un rôle d’éponge. Rennes a d’ailleurs fait un gros travail en la matière.
Repenser l’urbanisme pour vivre avec le risque inondation, comme par exemple à Romorantin-Lanthenay, où des constructions inaugurées en 2011 sont prévues pour laisser passer l’eau au rez-de-chaussée, réservant les lieux d’habitation à partir du 1er étage et prévoyant des chemins en hauteur. Repenser les réseaux et la gestion des risques des infrastructures (électricité, eau potable, égouts, collecte des déchets) en zone inondable est indispensable, car les coûts économiques des inondations, notamment pour les entreprises, s’avèrent colossaux.
Pour rester sur le sujet des inondations, les solutions réglementaires et budgétaires ont besoin d’être éclaircies. La loi de 2014 a attribué aux intercommunalités à titre exclusif et obligatoire, la gestion de la prévention des inondations à compter du 1er janvier 2018, sans véritable évaluation de cette nouvelle charge.
Les intercommunalités peuvent voter une taxe dite Gemapi, adossée aux impôts locaux jusqu’à un maximum de 40€ par habitant. Cependant, la plupart d’entre elles sont assez frileuses à créer une nouvelle taxe ou à la voter à son taux maximum. Par ailleurs, même les 40 euros risquent de s’avérer très insuffisants dans certains cas. Se posera alors la question de la solidarité territoriale. Le gouvernement a d’ailleurs demandé un rapport d’évaluation qui sera remis au Parlement d’ici le mois de juin.
Toutes ces thématiques sont une préoccupation majeure des citoyens comme on a pu encore le remarquer lors de l’événement organisé par Ouest France à Rennes sur le Vivre ensemble les 19 et 20 janvier, avec l’intervention de Jean Jouzel, climatologue.
Le sommet de Davos a d’ailleurs mis cette année l’environnement et le changement climatique au centre des discussions.
L’urgence à agir et à rendre la transition écologique irréversible (par exemple en France l’abandon des énergies fossiles) tant au niveau national, qu’européen et mondial pour un modèle davantage centré sur l’humain et la nature, implique une action déterminée des gouvernements, des collectivités locales, des entreprises, du monde associatif et, bien entendu, de chacun d’entre nous.
Hélène DANEL
Adjointe au Maire de SainteHélène
Vice-présidente de la Communauté de Communes Blavet-Bellevue-Océan
et du Syndicat mixte de la Ria d’Étel Conseillère départementale du MoDem 56