Actualités Démocrates de France du 28 mars 2016.
L’intérêt du pays est de se rassembler quand il est en danger
François Bayrou.
Après les attentats de janvier et de novembre, on avait beaucoup parlé d’union nationale. Cela n’a pas duré très longtemps. Est-ce que vous avez le sentiment cette fois-ci que cela peut durer ?
L’union nationale, et plus largement encore. Ceux qui sont frappés, nos voisins belges, qui sont un autre peuple à notre porte et l’émotion que nous ressentons montre que nous sommes une famille de peuples. Ce qui touche les uns touche les autres. Nous avons les mêmes adversaires, nous avons les mêmes réseaux qui sont présents chez nous, nous avons probablement la même organisation derrière tous ces attentats. Donc il faut l’union nationale en France et il faut l’union des peuples européens pour que les services de renseignement, les services de police, les services de sécurité puissent agir ensemble contre les réseaux tentaculaires et déterminés à tuer.
Justement, vous parliez d’union des peuples mais il n’y a pas d’union des polices. Et là, cela pose un vrai problème.
C’est exactement la raison pour laquelle l’idée que l’on pourrait se défendre sans s’unir avec les voisins soumis aux mêmes risques et à la même menace est une idée qui est à 10 000 km de la réalité. Les attentats de Paris ont été préparés à Bruxelles, les réseaux sont enracinés partout et ce sont des réseaux très difficiles à détecter parce qu’il n’y a pas des milliers de personnes et ils se préparent longtemps en avance. Les attentats que nous venons de voir ne s’improvisent pas du jour au lendemain. Il faut avoir repéré, préparé les armes, choisi le mode opératoire et donc tout cela suppose un travail très sérieux de renseignement, de police, de sécurité. Cela suppose encore autre chose, c’est que les responsables ne cessent de faire appel à la vigilance des citoyens. Le voisinage peut découvrir et peut détecter un très grand nombre de choses.
Vous êtes un Européen. N’avez-vous pas le sentiment quand même que l’Europe est justement le ventre mou sur lequel le terrorisme peut prospérer ?
Le terrorisme prospère dans tous les pays du monde : il a prospéré dramatiquement aux États-Unis, en Australie, hélas dans toutes les zones du Proche et du Moyen-Orient.
L’Europe n’arrive pas à appliquer le fameux fichier PNR, le fichier des personnes qui prennent l’avion !
C’est pour moi une incompréhension de tous les instants. Quand on voit ce qui nous menace, comment imaginer qu’il y ait par idéologie ou par doctrine, par philosophie, des gens qui résistent à la mise en place des armes élémentaires pour repérer, combattre, mettre de côté les gens qui nous attaquent. Le PNR, peut-être faut-il rappeler ce que c’est : c’est le fichier européen qui permettrait de savoir qui prend l’avion et d’avoir des données précises sur ceux qui voyagent et sur ceux qui présentent des risques. Les libertés individuelles ne sont pas menacées : on sait où vous allez. Un pays comme la Belgique, un pays comme la France, nos pays européens – par ce que nous formons un ensemble – sont ainsi sous la pression du risque et de la menace. Ils doivent se défendre en prenant les garanties nécessaires pour que personne ne puisse en abuser car aujourd’hui certains cherchent à en abuser. Donc, oui, je suis favorable à l’adoption de ce fichier européen, il faut que l’on sache qui voyage et d’où viennent ceux qui nous menaceront.
On parlait d’union et de solidarité, quand on voit ce qui se passe au Sénat et à l’Assemblée autour de la déchéance de nationalité, les petites querelles autour de cette déchéance, n’est-ce pas aussi un petit peu consternant ?
Ce n’est pas à la hauteur. Il y avait du symbolique dans tout cela. François Hollande avait cherché un symbole qui puisse permettre de montrer qu’il fait un pas en direction de la droite qui le demandait depuis longtemps. Et puis évidemment là-dessus se sont greffés à la fois des conflits de doctrine et de philosophie, et puis des conflits politiques. Franchement, tout cela n’est pas à la hauteur de ce que nous avons à vivre et à faire.
Autrement dit, la classe politique, française, européenne, n’est pas à la hauteur ?
Les classes politiques ne sont pas à la hauteur par ce que généralement et trop souvent les responsables politiques ne sont, non pas en avance, mais à la traine par ce qu’ils se laissent mener et conduire par les sondages et l’opinion. Au lieu d’avoir une vision qui puisse permettre au contraire d’entrainer leurs concitoyens, de leur montrer où on va. Au contraire, ils se laissent trop prendre par les petites querelles d’ambitions dérisoires et certainement mal jugées par les français.
Comment jugez-vous l’attitude de François Hollande face au terrorisme ?
Il s’exprime peu, j’espère qu’il agit davantage, et de ce point de vue-là, aucune des autorités européennes ne manque au devoir de vigilance qui est le sien. En tout cas je l’espère, et je ne suis pas de ceux qui choisissent la polémique à l’égard de tel ou tel responsable de notre pays ou des pays européens qui nous entourent. Moi, je suis pour que l’on manifeste la solidarité, je suis pour que l’on se serre les coudes. Après on voit si tout a été fait, si tout aurait pu être mieux fait. Mais le goût classique ou perpétuel que nous avons pour la dispute alors que l’on a besoin d’unité, cela est quelque chose qui ne me va pas et je ne vois pas là, je ne reconnais pas là l’intérêt du pays. L’intérêt du pays est de se rassembler quand il est en danger et quand il encourt un risque.
François Bayrou lance un appel « à la vigilance et à la solidarité »
http://www.europe1.fr/emissions/bonjour-monsieur-le-maire/francois-bayrou-lance-un-appel-a-la-vigilance-et-a-la-solidarite-2700178
Bruxelles et Paris, c’est le même combat et les mêmes réseaux ! Nous vérifions une fois encore que les frontières n’arrêtent pas les terroristes, que nous, pays européens, sommes une seule famille, embarquée sur le même bateau, soumise à la même menace que nous ne pouvons combattre qu’ensemble »