ÉDITO DU 18 mai 2015.
Les Républicains.
Les 28 et 29 mai, les militants UMP voteront sur internet pour les nouveaux statuts, le nouveau nom et la liste unique du bureau politique. Il a été acté que les votes seraient séparés. Au niveau du nouveau nom du parti, c’est le nom «Les Républicains« qui sera proposé. Le congrès se réunira le lendemain samedi 30 mai.
Les réactions sont multiples sur ce nom qui est loin de faire l’unanimité. Sans aucun adjectif, ce nom laisse supposer que seuls les anciens UMP seraient des républicains. Le préambule de la constitution est pourtant clair : «la France est une république indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion».
Tous les français sont donc des républicains et il semble abusif d’affirmer que ceux qui ne sont pas de droite ne seraient pas des républicains. L’historien Jean-Noël Jeanneney, dans un article du «Monde» s’est élevé contre le choix de ce nom :
«Au premier regard, on est tenté de voir dans cet étrange projet un signe nouveau de la fascination de Nicolas Sarkozy envers les Etats-Unis d’Amérique, et dont sa politique étrangère et ses multiples propos ont témoigné amplement. Républicains contre démocrates, droite contre gauche…
Si l’UMP persiste à se dénommer «Les Républicains», la symbolique de cette extravagance sera claire : l’affirmation d’un monopole, qui rejette tous les autres hors de ce nom lumineux. Serait-ce tolérable ?…L’intitulé annoncé voudrait dire plus expressément que son parti aspirerait à revendiquer ce terme pour lui seul».
Devant les nombreuses réactions, les deux vice-présidents de l’UMP, N. Kosciusko-Morizet et L. Wauquiez ont signé une tribune dans le «Monde» où ils justifient le choix du nom du nouveau parti : «Oui, nous avons toute légitimité à nous renommer «les Républicains». De la même façon que les socialistes s’appellent socialistes, parce qu’ils défendent d’abord le socialisme, nous souhaitons nous appeler les Républicains car nous défendons avant tout l’identité républicaine…La République ne se réduit pas à un concept abstrait, ou à la lutte contre les extrêmes. En France, c’est un système de valeurs constituées depuis deux siècles : des racines culturelles, une école méritocratique, la valeur du travail, la protection des plus faibles, pour n’en citer que quelques uns… Notre mouvement se ressourcera dans un élan de la base, comme la République s’est fondée sur la participation du peuple. Voilà ce qui est vraiment être républicain…C’est appeler à un soulèvement des Français devant les compromis, les communautarismes, les privilèges et les lâchetés, et redonner à la France sa fierté et son rang de grand pays».
Les Français risquent de ne pas croire aux promesses de morale par celui qui a incarné pendant plus de cinq ans la loi du plus fort et le non respect des règles, à commencer par les comptes de campagne présidentielle.
Dans son éditorial de «L’OBS», M. Croissandeau écrit sur ce sujet : «Eclaboussée par les scandales, l’UMP a grand besoin d’un ravalement de façade…Cette opération marketing pourrait faire sourire si elle ne posait pas un problème de fond ; n’en déplaise à Nicolas Sarkozy, la République n’est pas une raison sociale. Elle désigne au sens propre du terme la chose publique dans sa réalité, c’est-à-dire l’intérêt général. En revendiquer l’exclusivité serait opérer une indigne captation d’héritage comme l’a très justement dénoncé l’historien J-N Jeanneney. Car le message implicite d’une telle appellation revient à renvoyer tous les autres partis sans distinction aux marges. Or la République n’est évidemment pas ni de droite ni de gauche. Elle est le régime politique qui permet à tous les partis qui la reconnaissent de se confronter dans le débat public».
A l’intérieur de l’UMP, le nouveau nom fait aussi grincer des dents, notamment chez les amis d’Alain Juppé. Le maire du Havre, Édouard Philippe, affirme : «A l’UMP, nous sommes des républicains, sans aucun doute. Mais je ne considère pas que nous soyons «Les républicains». Il me semble qu’un grand nombre d’élus et d’électeurs d’autres partis le sont tout autant».
A titre personnel, je crains une forte américanisation de la droite, car je me souviens combien Nicolas Sarkozy admirait Georges W Bush, alors que ce dernier a été une catastrophe pour le monde. Il serait sage de ne pas laisser le mot républicain seul et d’y adjoindre par exemple le mot mouvement, ce qui donnerait le mouvement républicain à comparer au mouvement démocrate dont je fais partie et qui n’avait soulevé aucune protestation quand il s’est créé à la suite de la disparition de l’UDF (Union pour la Démocratie Française). Ma famille politique a toujours eu le mot démocrate ou démocratie dans son nom. La droite a souvent eu le mot république, notamment pour le RPR (Rassemblement pour la République). Certains diront que le sujet est mineur et ne mérite pas que l’on s’y arrête. Je pense au contraire que le nom d’un parti doit être lié à un programme et à des convictions spécifiques. Il ne doit pas résulter d’une démarche marketing.
Jacques JEANTEUR
Militant Modem des Ardennes
** Nouvel Obs