Actualités Démocrates d’Europe du 18 mai 2015.
Elections au Royaume-Uni : « Un ‘Brexit’ serait dévastateur pour l’Europe »*
Avec sa promesse d’organiser un référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE, D. Cameron mène son pays et l’Europe à « la catastrophe », s’alarme D. MacShane, ex-ministre travailliste des Affaires européennes.
Comment expliquez-vous la victoire écrasante de D. Cameron, le leader du parti conservateur ?
– C’est la conséquence à la fois de la disparition de tous les sièges travaillistes en Ecosse au profit des indépendantistes et de la disparition des sièges des libéraux démocrates au profit des conservateurs. Cette victoire, c’est évidemment aussi la défaite du Labour, qui n’a pas su répondre aux attentes des électeurs. David Cameron a obtenu une majorité très étroite et risque d’être lui aussi très prochainement aux prises avec ses frondeurs anti-européens qui veulent la sortie du pays de l’Union européenne.
La promesse de David Cameron d’organiser un référendum en 2017 sur ce fameux «Brexit» (la sortie du Royaume-Uni de l’Europe)
– De la même manière que dans les années 30 on évitait d’évoquer la menace de la guerre, on a refusé cette fois de considérer les conséquences d’un « Brexit ».
La population britannique est-elle majoritairement favorable à un Brexit ?
– Lorsqu’on demande : « Si l’Europe est réformée êtes-vous prêts à y rester ? », la réponse est majoritairement oui. Lorsqu’on demande : « Etes-vous en faveur de l’Union européenne ? », la réponse est non. Mais si la question posée est : « Etes-vous prêt à sortir de l’UE demain ? », le résultat est alors 50/50. D. Cameron dit lui-même que son objectif n’est pas un « Brexit » mais la renégociation des termes d’adhésion de la Grande Bretagne à l’UE.
Cependant, vous écrivez dans votre livre (« Brexit : How Britain Will Leave Europe ») que le « Brexit » est « probable »…
– Oui, parce que David Cameron veut l’Europe de ses rêves. Il ne souhaite pas sortir de l’UE à condition de vivre dans l’Europe de son choix. Mais comment va-t-il faire pour convaincre 27 Etats membres que ses demandes sont acceptables ?
Sur son aile droite, il va par ailleurs continuer à être sous la pression des anti-Européens et anti-immigration du UKIP, qui, après avoir réclamé la tenue d’un référendum, vont faire campagne jour et nuit pour la sortie de l’Union européenne. S’ils n’ont obtenu qu’un siège, c’est parce que notre système majoritaire par circonscription ne reflète pas leur poids réel : si on avait eu un système purement proportionnel, UKIP aurait gagné 83 sièges (sur 650).
Quelles seraient les principales conséquences d’un « Brexit » sur le Royaume-Uni ?
– Ce serait une catastrophe. Déjà parce que si les Anglais votent pour sortir de l’UE, les Écossais voteront certainement pour y rester. L’Écosse a déjà montré, en donnant aux indépendantistes du SNP 56 des 59 sièges qui lui sont réservés à la Chambre des Communes, qu’elle prend le même chemin que le Québec. Un « Brexit » accélèrera la désintégration du Royaume-Uni. Ce ne sera plus le Royaume-Uni mais le Royaume désuni.
Mais il y aura beaucoup d’autres conséquences. Il faudra plusieurs années pour remplacer toutes les législations européennes. Et les investisseurs étrangers réfléchiront à deux fois avant d’aller s’installer dans un pays où ils n’auront pas accès au marché unique, à moins que les Britanniques n’adoptent le même statut que la Norvège, qui applique toutes les règles européennes… sans la moindre influence sur les décisions de l’Union. Il y aura une frontière entre l’Irlande du Nord et l’Irlande du Sud, qui n’existe pas actuellement. Si on impose des contrôles sur les mouvements des Européens chez nous, on s’exposera à des mesures de rétorsion contre les 2 millions de Britanniques qui résident dans l’UE.
Et sur l’Europe ?
– Ce serait aussi dévastateur. Premièrement, l’Europe aurait, sur sa frontière Est, une Russie agressive qui cherche à la diviser, et, sur sa frontière Ouest, une Grande Bretagne qui ne l’aime pas. Deuxièmement, cela déséquilibrerait L’Union Européenne :l’Allemagne deviendrait totalement hégémonique. Troisièmement, les autres forces anti-européennes en Europe, Marine Le Pen en France, Geert Wilders en Hollande, au Danemark, en Finlande, en Suède et en Allemagne, seraient encouragées à réclamer elles aussi la tenue d’un référendum sur la sortie de leur pays de l’UE.
Après le Brexit, et peut-être le Grexit, on risquerait d’avoir le Frexit, le Nexit…
*source : interview par Sarah Halifa-Legrand, L’Obs, publié le 09-05-2015