Édito du 26 janvier 2015.
« La France, c’est ma mère. On ne touche pas à ma mère ! »
Djamel Debbouze
#JesuisLiberté #JesuisRépublique
Mercredi 7 janvier, il est 14h, je suis en classe.
Aujourd’hui, nous nous intéressons à l’histoire des femmes. Ce n’est pas toujours facile de parler de la libération de la femme à une classe de 19 garçons qui parfois ont des réflexes très machistes.
Mercredi 7 janvier, 14h, mon téléphone sonne.
« Excusez moi, Messieurs, j’ai oublié d’éteindre. »
Je me saisis du téléphone et je vois qu’il y a de nombreuses alertes infos.
« Apparemment, il se passe quelque chose de grave à Paris. »
Mercredi 7 janvier, 14h30. J’apprends la terrible nouvelle. De nombreux morts dans une fusillade à Charlie Hebdo.
Mercredi 7 janvier, 17h. Un SMS du cabinet du maire me parvient. Un rassemblement aura lieu place Maurice Marchais à Vannes pour rendre hommage aux victimes du terrorisme.
Mercredi 7 janvier, 18h. Je me dépêche de rejoindre les autres Vannetais devant l’hôtel de Ville. L’ambiance est au recueillement. Incrédules, nous nous regardons, nous nous saluons. Difficile de se souhaiter une bonne année dans ces circonstances. Nous restons là, en silence, nous ne comprenons pas ce qui a pu se passer dans la tête des meurtriers.
Les chaînes de télévision tournent en boucle sur cet attentat. Et cette question qui me tourne aussi en boucle dans ma tête : que vais-je pouvoir dire en classe ? Je ne peux pas ne pas en parler, je suis prof de français et d’histoire après tout.
Vendredi 9 janvier, 9H.
La phrase est lancée par un de mes élèves : «C’est encore des arabes…»
Comment réagir ? Comment montrer que la diversité est source de richesse ?
Il m’est impossible de laisser passer cela.
La République, c’est la tolérance, le respect de chacun dans sa diversité.
Je parle avec mon cœur. Comment ces valeurs que l’on m’a enseignées peuvent-elles autant m’émouvoir ? Pourquoi suis-je autant retourné par ces attentats ?
Ils m’écoutent attentivement, je ne sais pas s’ils ont compris tout ce que j’ai essayé de leur faire passer.
Je l’espère simplement.
Comme beaucoup, je suis profondément attaché aux valeurs qui m’ont permis de devenir celui que je suis aujourd’hui. C’est, je pense, le rôle de l’enseignant de transmettre ces valeurs qui fondent notre République et notre vivre ensemble.
Et maintenant, que faire de cet engouement et de ce rassemblement autour des valeurs qui nous sont chères ?
La Ministre de l’Éducation a annoncé des réformes pour que nous puissions continuer à transmettre ces valeurs. Les intentions sont bonnes, mais ce n’est pas suffisant. C’est le rôle de tous les enseignants de participer à la construction du citoyen, pas simplement celui du professeur d’éducation civique. On nous promet des «formations aux valeurs républicaines». Espérons que cela ne restera pas de vains mots…
Mais l’école ne doit pas être seule.
Au delà, c’est notre rôle à nous, citoyens, ou politiques de montrer l’exemple et de défendre nos valeurs de liberté, d’égalité, de solidarité et de laïcité.
Chacun à son niveau, chacun à sa place.
Sachons combattre les extrémismes quels qu’ils soient et malgré nos opinions parfois divergentes, sachons nous rassembler sur l’essentiel.
Après demain, je souhaite que nous puissions tous dire, au-delà de nos différences, : je suis République.
Guillaume MORIN