Édito du 23 novembre 2014.
24 novembre 2014 : VIENNE, JOUR J des Accords sur le nucléaire iranien ?
Quand vous lirez ces lignes, le compte à rebours sur la finalisation des négociations relatives au nucléaire iranien, lancée le 18 novembre touchera presque à sa fin, la date butoir étant fixée au 24 novembre. Cette date avait été entérinée il y a un an à Genève par l’ensemble des parties prenantes : l’Iran et les grandes puissances regroupées au sein du groupe dit «P5+1»* Durant dix années des deux côtés, les négociateurs, ont soufflé le chaud et le froid. Verra-t-on s’ouvrir la voie à une normalisation des relations avec l’Iran ?
Cette normalisation aurait de profondes répercussions au Moyen-Orient, où Téhéran joue un rôle majeur en Syrie, Irak, Liban, et aussi en Afghanistan.
Un échec, par contre, aurait pour effet d’accélérer une course à l’arme nucléaire dans une région aux tensions déjà exacerbées et porterait un coup fatal à la lutte contre la prolifération nucléaire.
Si méfiance et suspicions réciproques restent permanentes, un accord n’a jamais été aussi proche, malgré la complexité du dossier technique.
Analysons les informations dites à «sources ouvertes», et retraçons le chemin emprunté ces dernières semaines :
5 novembre 2014 : Laurent Fabius reçoit à Paris son homologue américain John Kerry, venu lui faire part d’un document que les Américains ont présenté aux Iraniens en vue de répondre à leurs «besoins énergétiques pacifiques», et auquel 48 heures auparavant, le président OBAMA avait fait référence à l’occasion d’une conférence de presse. Dès lors, il est raisonnable de voir dans celui-ci l’ébauche d’un projet d’accord.
John Kerry devait également s’assurer de deux choses auprès de la France. La première, que Laurent Fabius ne renouvelle pas son impertinence d’il y a un an à Genève. A l’époque, sans doute vexé de ne pas avoir été associé au projet d’accord entre Iraniens et Américains, il l’avait qualifié de «marché de dupes». La seconde, que la France apporte son aide pour la levée des sanctions européennes vis-à-vis de l’Iran, au moment et à un rythme opportun.
7 novembre 2014 : Catherine Ashton, haute représentante aux affaires étrangères de l’ U.E, réunit à Vienne les directeurs politiques du «P5+1»pour s’assurer que chacun d’entre eux, en phase avec le processus enclenché, dispose du même niveau d’information.
8 novembre 2014 : lors du forum de l’APEC (Asian Pacific Economical Cooperation) à Pékin, John Kerry rencontre son homologue russe Sergei Lavrov, afin de vérifier une dernière fois que la Russie est prête, d’une part, à stocker sur son sol la plus grande partie des 2 tonnes d’uranium enrichi à 20%, détenu à ce jour par les Iraniens, d’autre part, à incorporer cet uranium dans le combustible destiné à la centrale nucléaire de Bouchehr, (construite en Iran par les Russes et opérationnelle depuis septembre 2011).
Cette opération de transfert, premier nœud de la négociation, vise à allonger le temps de fabrication d’uranium enrichi nécessaire pour construire une première bombe nucléaire.Laquelle , pour mémoire, nécessite de l’uranium enrichi à 90% .
Outre la diminution de la quantité d’uranium enrichi disponible sur le sol iranien, ce transfert a également pour objectif l’acceptation des Israéliens et du Congrès américain (en opposition avec le président américain aujourd’hui) du second nœud de la négociation : la présence sur le sol iranien de quelques milliers de centrifugeuses,dont les Iraniens font un point non négociable.
Il faut comprendre que la pleine coopération des Russes est cruciale pour parvenir à un accord, et que la crise ukrainienne d’aujourd’hui ne facilite pas le processus.
9 novembre : à Mascate (Sultanat d’Oman), John Kerry accompagné de Catherine Ashton, après s’être assuré de la compréhension de la France et de la Russie, rencontre Mohammad Javad Zarif, ministre iranien des affaires étrangères pour finaliser les paramètres du plan global d’actions qui se négociera du 18 au 24 novembre à Vienne.
L’accord des Russes une fois acquis pour transférer et traiter une partie du stock iranien d’uranium enrichi, trois obstacles restent au cœur des négociations de Vienne :
Le premier est la détermination du nombre de centrifugeuses que l’Iran sera autorisé à détenir. Cette question, cruciale devrait être réglée par les futures inspections aléatoires, parties intégrantes de l’accord, et qui seront menées par l’AIEA.
Second obstacle, l’usine à eau lourde située à Arak, susceptible de produire du plutonium. Matière qui permet aussi, par un autre processus, l’accession à l’arme nucléaire . Là aussi les inspections de l’AIEA, sont sensés y pourvoir.
Le troisième concerne le calendrier de suspension et de levée des sanctions européennes et américaines qui ont, sans nul doute, menées les Iraniens à la table de négociations.
En ce qui Concerne les sanctions européennes, Catherine Ashton, parlant au nom de l’ U. E. devra être en mesure d’afficher les bonnes dispositions européennes à lever ou à suspendre une part significative de ses sanctions.
Concernant les sanctions américaines, John Kerry devra réussir à convaincre son homologue iranien que, s’il veut conclure sans plus tarder, la solution réaliste est d’accepter le principe d’un accord qui n’aurait pas besoin de la ratification du Congrès américain, aujourd’hui, à majorité républicaine.
Tel que prévu par la constitution, le Président Obama agirait alors au cas par cas, par décrets ou par exemptions, aux sanctions votées dans le passé par le Congrès, laissant à son successeur la responsabilité d’une levée globale des sanctions par ce même Congrès américain.
18 novembre 2014 : le «P5+1» et les Iraniens se sont, comme prévu, retrouvés à Vienne.
Les négociateurs avaient une semaine pour finaliser les détails de l’ accord, et obtenir des ministres des affaires étrangères des deux camps de le parapher avant le 24 novembre.
La conclusion positive d’un accord ne résoudrait certes pas tous les problèmes au Moyen-Orient, -loin s’en faut-, mais aiderait grandement à desserrer l’étreinte qui oppresse cette région du monde.
Jean-Yves Tréguer
* comprenant les 5 membres permanents du conseil de sécurité plus l’Allemagne.