Édito du 10 novembre 2014.
VALLS, BAYROU, JUPPÉ…..
Dans le climat sinistre qui s’amplifie de semaine en semaine, il me semble que trois personnes sortent du lot et sont soucieuses sincèrement de réformer en profondeur notre pays. Ils ont des points communs, à commencer par le fait qu’ils ont été ou sont encore contestés, voire combattus dans leur propre famille. Ils gênent les vieux leaders politiciens de leur camp. Les trois sont dans le peloton de tête dans l’opinion des Français et sont les mieux placés pour les présidentielles, chacun dans leur famille, à gauche, au centre et à droite. Il s’agit de Manuel Valls, François Bayrou et Alain Juppé. Le rêve serait qu’ils gouvernent ensemble dans une coalition.
Franz-Olivier Giesbert a écrit un article très intéressant dans «Le Point» sur le syndrome de1995. « Trois présidents ont été traumatisés par l’échec des réformes Juppé. C’est la malédiction de l’Élysée». Il reprend l’historique et le décrit de manière très explicite : «Quand il prend les manettes (en 1995) il y a quelque chose de mendésiste ou, si on préfère, de barriste dans le tandem Chirac-Juppé. L’héritage de Balladur, le Premier ministre de cohabitation sortant, est lamentable. Après avoir tout lâché pendant trois ans pour gagner l’élection présidentielle, il a surendetté l’État et planté les finances publiques, que ses successeurs ont décidé de redresser sans tarder. C’est une nouveauté. Contrairement à ce qui se passe d’ordinaire et qui culminera après l’élection de Sarkozy en 2007, Chirac et Juppé ne décrètent pas la croissance avec une relance aventureuse qui plombera les comptes. Au contraire, devant l’océan des déficits, tous deux ne songent qu’à redresser la barre et les finances publiques, seule condition d’une croissance durable. Mieux, ils disent la vérité aux Français. On peut même dire, en exagérant à peine, qu’ils font un zéro-faute… La faute, la grande faute de Juppé, est d’avoir eu raison trop tôt, ce qui est toujours un grand tort…Il propose notamment l’encadrement des dépenses de santé ou l’alignement de la durée de cotisations des régimes de retraite des fonctionnaires sur celle des salariés du privé. Au nom de l’équité, il demande aussi un petit effort aux bénéficiaires des régimes spéciaux qui permettent à certains salariés du public, comme les agents de la SNCF, de partir à la retraite dès l’âge de 50 ans…Tollé général. Pendant trois semaines, la France, prise en otage par la CGT, FO et les agents des services publics, deviendra complètement folle : novembre 1995 est une sorte de Mai 1968 du pauvre, une contre-révolution bêtassonne de poche. Pas de romantisme ni d’imagination. Non, un déluge de fadaises sur les droits acquis…Face à la rue, Chirac et Juppé ont fini par remballer la plupart de leurs projets : ils n’avaient pas le choix. Avec la complicité de la presse et d’intellectuels à la ramasse, la France avait sombré dans un mélange de déni de la réalité, de niaiserie économique, de pensée magique et d’individualisme casanier…Si Juppé, vainqueur des primaires, était ensuite élu à la présidence en 2017, ce serait donc la vengeance de 1995, de la raison et de la lucidité contre le laisser-aller et les délires économiques qui, depuis si longtemps, tirent la France vers le bas».
Si Juppé a été le plus courageux en 1995, on peut espérer qu’il en serait de même aujourd’hui. Au sein de l’UMP il devra être préféré à Sarkozy, ce qui est le point le plus problématique. Cela lui sera d’autant plus facile que le score de Bruno Lemaire fin novembre pour la présidence de l’UMP sera élevé.
Manuel Valls a donné dans «l’Obs» nouvelle formule une longue interview dans laquelle il précise sa vision de la gauche : «Il faut en finir avec la gauche passéiste, celle qui s’attache à un passé révolu et nostalgique, hantée par le surmoi marxiste et par le souvenir des Trente Glorieuses. La seule question qui vaille, c’est comment orienter la modernité pour accélérer l’émancipation des individus…L’idéologie a conduit à des désastres, mais la gauche que je porte garde un idéal : l’émancipation de chacun.. Elle est pragmatique, réformiste et républicaine… La gauche qui renonce à réformer, qui choisit de défendre les solutions d’hier plutôt que de résoudre les problèmes d’aujourd’hui, cette gauche-là se trompe de combat… Si un assouplissement de notre marché du travail, une intervention repensée de l’Etat oula remise en cause de telle ou telle rente de situation contribuent à lutter contre les inégalités et à faire progresser l’intérêt général, il est de mon devoir d’envisager ces solutions. 57% de dépenses publiques, est-ce que l’on considère que c’est efficace ? Non. Face à ce modèle inefficace qui redistribue aveuglément sans tenir compte des besoins de chacun, et revient a posteriori sur les inégalités pour les corriger, nous devons proposer un modèle que j’appelle la pré-distribution pour prévenir les inégalités. D’où la nécessité d’investir massivement dans l’éducation, la formation et la recherche… Si nous restons tous dans nos chapelles et nos boutiques, à défendre nos pré carrés, nous ne nous en sortirons pas… En 2012, nous avons commis l’erreur de ne pas tendre la main à François Bayrou. Peut-être l’aurait-il refusée, mais nous aurions du le faire, alors qu’il avait appelé à voter pour François Hollande. Il n’y a rien de pire que le sectarisme au nom d’une prétendue pureté. »
François Bayrou dans Le grand rendez-vous d’Europe 1- i-télé- Le Monde, a salué le courage de Manuel Valls et le projet d’Alain Juppé : «(Manuel Valls) ne manque pas d’un certain courage. Oser franchir des frontières, transgresser des tabous, au moins dans les mots, c’est assez rare pour qu’on le dise… Je pense que Manuel Valls ne sera suivi en rien par la majorité de son camp. Je pense que le Parti Socialiste est dans une situation d’impasse absolue parce que son idéologie ne correspond en rien à la réalité du pays ».
Mais je pense d’un côté que ce que Manuel Valls vient de faire est utile. De la même manière je pense que l’expression d’Alain Juppé dans la vie politique française est une expression positive et qui peut faire avancer les choses pour la France.
Dès 2002, mais surtout en 2007 et à nouveau en 2012, François Bayrou a exposé avec courage et lucidité les problèmes de la France et a proposé des réformes qui semblent aujourd’hui évidentes. Peu importe que, comme Alain Juppé en 1995, il ait eu raison trop tôt, l’important est de passer aux actes. Le problème est que dans chaque camp, à gauche, au centre et à droite, les forces d’inertie sont énormes et sont portées par des intérêts personnels. Martine Aubry incarne le passéisme dont parle Manuel Valls. François Bayrou a été lâché par les Centristes qui ont préféré le pouvoir au courage des convictions. Ils ont compris qu’ils avaient servi de faire-valoir à Sarkozy et qu’ils n’en avaient rien tiré de positif.
Désormais, ce qui est positif, les centristes de l’UDI et du Modem souhaitent travailler ensemble pour affirmer les valeurs humanistes d’un centre fort et indépendant. Alain Juppé réclame des élections primaires communes à la Droite et au Centre. C’est une démarche courageuse qui peut déboucher sur un accord de gouvernement clairement défini avant l’élection.
Manuel Valls aura-t-il le courage d’aller jusqu’au bout de sa démarche, quitte à aboutir à une dissolution et à une cohabitation. Certains, à droite, la refuse par avance, ce qui bloque le système. D’autres, comme François Bayrou la réclame en espérant qu’elle débouchera sur un gouvernement élargi capable de faire les réformes en peu de temps et sans crainte de la rue.
En tout cas, pour moi, ces trois hommes sont courageux et portent l’espoir du changement.
Jacques JEANTEUR
Militant de la Fédération Modem des Ardennes