
Iran, Washington le Retour ?
L’élection, le 14 juin 2013, de Hassan Rohani comme nouveau Président de la République Islamique d’Iran, n’a pas déchaîné un optimisme outrancier de la part des pays occidentaux. Ceci en raison des intentions affichées durant la campagne électorale , en matière de compromis sur le dossier nucléaire.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que c’est sous la présidence du président d’ouverture, Khatami, que les progrès les plus importants ont été réalisés en la matière. Entre 2003 et 2004, diverses négociations aboutirent à l’arrêt de l’enrichissement d’uranium durant près d’une année. Au cours de cette période de négociations, le chef de la délégation iranienne n’était autre que Hassan Rohani. C’est après son élection, en 2005, qu’ Ahmadinejad relancera le processus d’enrichissement.
Il est clair que de nombreux obstacles, pavent encore le chemin du retour à la négociation, mais la période qui s’ouvre devrait voir se mettre en place des contacts exploratoires à des niveaux divers : en premier lieu, les émissaires discrets, suivis par des rencontres bilatérales, pouvant déboucher sur une réunion formelle entre l’ Iran et le groupe dit des 5+1 (les 5 membres du Conseil de Sécurité des Nations-Unies + l’Allemagne).
Les États-Unis, viennent d’envoyer des signaux d’apparences contradictoires. Un responsable de l’administration américaine vient de déclarer que son pays est ouvert à des contacts bilatéraux, tout en précisant dans le même temps être en attente de réponses de la part de Téhéran aux questions posées lors des négociations d’Almaty, (dernière en date des négociations sur le nucléaire iranien avec le groupe des 5+1). Il ajoute que le « package » n’est pas figé mais n’évoluera pas (vers un allègement significatif des sanctions) tant que l’Iran n’aura pas avancé dans ce qui lui a été demandé.
A ce stade de l’observation, il convient d’évoquer un épisode important, largement passé inaperçu par les observateurs Français, qui éclaire sur les projets réels des États-Unis : le 3 juin 2013, le président OBAMA signait « L’Executive Order Act n° 13645 » qui comporte deux volets de sanctions :
Le premier volet, consiste à punir toute entité étrangère qui procéderait à des achats ou cessions de monnaie iranienne. Une telle mesure est purement symbolique.
Le second volet sanctionne toute entité étrangère qui vend, livre, fournit des pièces ou des services au secteur automobile iranien.
Or, il se trouve que la France est (était) le principal acteur étranger dans ce secteur en Iran, et il s’agit bel et bien d’une concurrence déloyale vis à vis de l’industrie automobile française.
Prenons le cas de Peugeot
Jusqu’en 2010-2011, Automobiles Peugeot assemblaient 400 000 véhicules par an dans les usines iraniennes. La grande majorité des pièces nécessaires à ces assemblages provenaient des usines françaises du groupe Peugeot. Début 2012, General Motors entre au capital de Automobiles Peugeot, à hauteur de 7%, à condition que Peugot se retire du marché iranien, ce qui fut fait, entraînant la perte de millions d’heures de travail, la fermeture de sites industriels et la cohorte de chômeurs qui va avec.
Dans le même temps, General Motors prenait des contacts avec les industriels iraniens de l’automobile, anciens partenaires de PSA (Iran Khodro et Saipa), afin de préparer une intense coopération industrielle dès que les circonstances le permettraient !!
Restait à traiter le cas de Renault, qui assemblait environ 100 000 véhicules « Logan » par an en Iran, avec moins d’impacts sur l’industrie française, les pièces provenant, pour majeure partie, des usines roumaines du groupe Renault (Dacia). Le 16 juillet dernier, le puissant lobby « United Against Nuclear Iran » a adressé à Renault une sommation de se retirer d’Iran sous peine de sanctions américaines. Sommation confirmée par Carlos Tavares, directeur général de Renault.
Alors, me direz vous, quelles relations entre cette forme de concurrence déloyale de la part des américains et les contacts exploratoires qui sont en train de se nouer ?
Avec Total, pour l’industrie pétrolière et gazière, PSA et Renault pour l’industrie automobile, ce sont des pans entiers de concurrence, sur le marché iranien, que les américains sont en train de « purger », dans l’optique où, un rapprochement viendrait à s’opérer entre Washington et Téhéran. Les Anglais pour lesquels -pour des raisons historiques-, tout ce qui concerne l’Iran ne laisse pas indifférent, sont prêts à « prendre le train en marche ». William Hague, Ministre des Affaires Étrangères Anglais, déclarait ces derniers jours que le Royaume-Uni souhaite un rétablissement, par étapes, de ses relations avec l’Iran. Il montre par cette déclaration que l’Angleterre ne veut pas rester à l’écart d’un processus qui débuterait.
A l’heure où, dans notre pays, le moindre emploi à sauver relève du parcours du combattant, le silence assourdissant de nos gouvernants, en la matière, a de quoi intriguer.
Jean-Yves Tréguer