ÉDITO DU 12 DÉCEMBRE 2017
DU BON USAGE DE LA PRESCRIPTION
Parmi les revendications figurant dans l’air du temps, l’une des plus en vogue est celle de l’imprescriptibilité du crime de viol. Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat chargée de l’égalité homme-femme, a récemment évoqué ce problème dans les médias. Elle n’y est d’ailleurs pas favorable.
Rappelons d’abord que le délai de prescription, en droit pénal, est celui au terme duquel on ne peut plus poursuivre une infraction, notamment un crime. En droit français, la prescription criminelle est atteinte au bout de vingt années.
Toutefois, en matière de viol, la victime bénéficie déjà d’une dérogation : le délai court pour elle à compter de l’âge de sa majorité. Il s’ensuit qu’un mineur violé pourra porter plainte jusqu’à l’âge de 38 ans.
Il faut d’abord rappeler que la justification de la prescription réside dans la quasi-impossibilité matérielle de rechercher des preuves et des témoignages convaincants de culpabilité après de nombreuses années. Les souvenirs et les traces ont en général disparu. Il peut dès lors s’ensuivre des acquittements qui feront plus de mal que de bien…
Surtout, l’imprescriptibilité est traditionnellement attachée aux crimes les plus odieux. En France, seul le crime contre l’humanité (article 212-1 Code Pénal) défini comme un plan concerté en vue de l’élimination, l’esclavage, la déportation, la torture etc. d’une population est imprescriptible. Même le crime de guerre ne l’est pas.
Dans un système répressif pyramidal où les atteintes à la vie, et d’abord à la vie de communautés entières constituent les infractions les plus
condamnables, mettre sur le même plan celles-ci et l’agression (assurément condamnable) d’un individu qui aura conservé la vie sauve constitue une évidente disproportion.
Rendre imprescriptible le crime de viol alors, par exemple, que le meurtre ou les actes de torture et de barbarie ne le seraient pas, serait un non-sens juridique.
La compassion envers les victimes, notamment femmes ou enfants, ne doit pas aboutir à renier les bases mêmes de notre droit pénal.
Alan GUILLOUX
Conseiller départemental Modem 56