Édito du 10 avril 2016.
En EUROPE, QUI BLOQUE LE PNR ? COMMENT et POURQUOI ?
Depuis les attentats de Paris de novembre 2015 et ceux de Bruxelles, le Parlement européen est montré du doigt pour tarder à adopter la directive PNR. Voici quelques explications permettant de se forger une opinion propre.
Qu’est-ce que le PNR ? Le Passenger Name Record est une procédure inspirée du modèle américain permettant d’enregistrer 19 informations précieuses pour les services de police et les compagnies aériennes, sur chaque voyageur (dont dates, itinéraire, coordonnées, agence de voyage, moyen de paiement, siège et nature des bagages…). .
Pourquoi le Parlement européen bloque-t-il l’adoption de ce texte ? Nous sommes dans une procédure de codécision par le Conseil des ministres de l’Intérieur des 28) et le Parlement européen, par adoption d’ un même texte. Le Conseil a déjà proposé sa version, alors que le Parlement européen ne l’a pas encore fait. D’où les accusations virulentes de M. Cazeneuve, comme du Premier Ministre français, contre l’irresponsabilité du Parlement, qui priverait le renseignement d’un outil qui a fait ses preuves aux USA.
Comme toujours, les responsabilités ne sont pas d’un seul côté !
Le texte adopté par le Conseil n’est guère satisfaisant pour deux raisons :
* Le texte initial prévoyait la création d’un seul fichier européen des données. Les états membres ont à l’inverse, opté pour 28 fichiers «accessibles à l’occasion». Or, on connaît la réticence des différents états à transmettre leurs informations aux autres états.
* Dans la version adoptée par le Conseil, l’utilisation et la conservation des données ne sont pas suffisamment encadrées pour la protection du droit à la vie privée et des données, notamment la vérification par la justice du respect des droits fondamentaux.
La position du Parlement européen est hétérogène
A droite, le PPE (où siègent Les Républicains -naguère UMP-) soutient le texte du Conseil mais n’a pas la majorité des voix. Certains socialistes et écologistes récusent tout système de fichage et émettent des doutes sur l’utilité de cet outil dans la lutte contre le terrorisme. Au centre, on est, bien sûr partagé… (on ne se refait pas !) et on propose de créer un fichier européen (et non de juxtaposer 28 fichiers), avec un cadre protégeant les droits personnels. C’est la raison pour laquelle le Parlement européen a subordonné l’adoption du PNR à celle du «paquet législatif» qui protégeant certaines données personnelles.
La longueur des discussions entre le Conseil et le Parlement européen est pointée du doigt, notamment par notre ministre de l’Intérieur, peu soucieux de mutualiser ses informations avec l’Europe, mais prompt à dénoncer le Parlement européen. Décidemment M.Cazeneuve a la mémoire sélective ! C’est, en effet la France qui a insisté pour que le texte «PNR» prenne la forme d’une directive et non d’un règlement.
Qu’est que cela change me direz-vous ? Beaucoup de choses ! Un règlement est d’application immédiate dans tous les états membres dès sa publication au Journal officiel de l’U.E. En revanche, l’application d’une directive passe par l’obligation de faire adopter une loi de transposition dans chacun des 28 pays. Cela prend du temps, ne se déroule pas au même moment et permet à chaque pays d’adapter le plat principal «à sa sauce» avec risque d’une application différente selon l’ état.
Notre gouvernement proclame que la lutte contre le terrorisme passe par «plus d’Europe», mais s’en garde bien dans ses pratiques.
Suite et fin du bal des hypocrites en mai prochain ?
Armel Tonnerre
Délégué départemental du MoDem pour la Fédération du Morbihan.
* Communiqué de la délégation socialiste française
Au lendemain des attentats à Bruxelles qui ont touché l’Europe en plein cœur, les eurodéputés socialistes et radicaux appellent les responsables politiques français et européens à de la retenue, à cesser de mentir aux citoyens, et de les prendre pour des imbéciles : ni les socialistes français, ni les socialistes européens ne bloquent la directive PNR. Nous sommes favorables à ce texte conclu en 2015. Il conjugue lutte contre le terrorisme et le respect des libertés individuelles, en tête desquelles la protection de la vie privée des Européens à laquelle s’attaquent les terroristes.
Les socialistes européens ont pris leurs responsabilités et ont fait de l’adoption concomitante de ce PNR et du «paquet protection des données», aujourd’hui toujours soumis à l’examen des juristes-linguistes du Conseil, un impératif de cohérence politique; ce vote devrait être possible d’ici le mois de mai prochain.
Pourtant, lors de la dernière plénière à Strasbourg, les socialistes et radicaux français ont plaidé pour accélérer l’examen de la directive PNR. De fait, le PNR était promis pour décembre dernier, nous devons nous tenir à nos engagements. D’ailleurs, où étaient les députés «Les Républicains» au moment de ce vote, lundi 7 mars ? Certains ont expliqué dans la presse que la plénière à Strasbourg commençait le lendemain…
Néanmoins, soyons clairs : le PNR est une directive, qui devra être transposée dans l’ensemble des États membres ; les socialistes ont fait réduire la durée de cette transposition de trois à deux ans. Un règlement – d’application immédiate – était également possible mais, sur ce point, ce sont les États membres, y compris la France, qui ont bloqué… sans parler des 15 États membres tenants de PNR nationaux ! Agiter cette muleta semble satisfaire certains médias, mais la vérité est que le PNR n’aurait empêché ni les attentats de Paris, ni ceux de Bruxelles.
23 mars 2016