Édito du 25 octobre 2015.
QUELLE IMMIGRATION ?
Depuis quelques temps, je voulais dénoncer la façon indigne avec laquelle notre pays accueille les migrants, les obligeant à vivre dans la plus grande précarité pendant des mois avant, de toute façon, de leur remettre une carte de séjour après 5 ans passés sur notre territoire.
Ces conditions inhumaines aggravées en mai 2013 quand les pouvoirs publics ont brutalement décidé de supprimer l’allocation d’attente (11€ par jour par adulte), tout en leur interdisant de travailler, avant l’enregistrement de leur dossier par l’OFPRA (3 à 6 mois après leur arrivée, après traitement par les préfectures), ni de couvrir la période des recours et des appels légaux en cas de refus.
Durant ce temps, Ils ne bénéficient que de l’Aide Médicale des Étrangers, et, en cas de refus, rien n’est fait pour les aider au retour. Après expulsion de leur logement d’urgence, s’ils ont eu la chance d’en avoir un, ils errent, dans le pays durant 5 ans, laissés aux bons soins des associations caritatives.
L’horrible photo d’un petit migrant de 3 ans noyé sur une plage de Turquie a réveillé les consciences, comme si, avant lui, des centaines de petits garçons ne s’étaient pas noyés dans la panique et comme si nos dirigeants n’en avaient jamais été informés !
Nous attendions donc des décisions intelligentes… Mais François Hollande et Angela Merkel, emboîtant le pas à Jean Claude Junker, veulent imposer l’idée de quotas par pays pour accueillir 200.000 migrants (alors que 350.000 sont entrés depuis janvier et que 800.000 arriveront d’ici fin 2015). Pour les répartir, des camps d’accueil seront créés aux frontières de l’espace Schengen, a priori exclusivement de ce côté de la Méditerranée (sauf peut-être au Maroc). Et on n’évoque pas la «jungle» de Calais. De toutes façons, suite au sommet européen de mi septembre, on ne parle plus que de quotas-d’ailleurs beaucoup plus faibles- oubliant complètement ces camps d’accueil.
Après des mois et des années d’inaction et après des milliers d’arrivants, il y a urgence à trouver logement, nourriture, vêtements et chaleur humaine, afin qu’ils puissent se préparer à une nouvelle vie. Mais si l’accueil devient un accueil de masse, sous le régime du quota, ce sera l’idée la plus stupide que l’on ait pu imaginer, pourquoi ?
– Tout d’abord, si nous laissons entrer 200.000 migrants, (ce qui coûtera très cher à chaque citoyen des états accueillants), que fera-t-on des 600.000 autres ?
– Et ce chiffre de 200.000 personnes est une telle promesse pour qui souffre des difficultés du quotidien, qu’il devient incitatif à quitter le pays, au prix d’un exil périlleux.
Pour conséquences :
– l ’exode massif de populations opprimées ou dont le pays est menacé par la guerre laissera les mains libres aux barbares de Daech ou aux tyrans, comme en Erythrée, leur permettant d’obtenir ce qu’ils veulent (entre autres, de mettre fin à la présence millénaire des Chrétiens et Yésidis du Moyen-Orient)…
– davantage de garçonnets de 3 ans morts-, au grand bénéfice des passeurs, les migrants étant attendus de ce côté-ci de la Méditerranée.
– davantage d’errants en Europe, les demandes d’asile excédant forcément les quotas…
– une xénophobie exacerbée de citoyens auxquels l’Europe aura imposé l’accueil accru d’étrangers. L’Europe étant une «Europe des «nations», le risque n’est pas mince que des gouvernements d’extrême-droite accèdent au pouvoir, flattant le repli sur soi, qui décident une politique d’immigration zéro, au prétexte d’une situation économique difficile. Est-ce ce que nous voulons ?
Avant de proposer des solutions, reconnaissons que la situation actuelle a été générée, d’une part, par l’incroyable désordre semé par les nations occidentales en Irak, Libye, et Syrie, favorisant l’émergence de groupes islamiques cruels, sur fond du conflit séculaire entre Chiites et Sunnites, d’autre part par l’incapacité des gouvernements européens à définir une politique d’immigration depuis plus de 30 ans, écartelés entre ceux qui n’acceptent aucun migrant, et ceux qui veulent accueillir tout le monde :
– En suivant les premiers, on empêche l’immigration légale, distribuant des visas au compte goutte, réservés, après examen sévère, au regroupement familial et aux détenteurs de promesse d’embauche dans un secteur en besoin ; les autres sont ainsi poussés vers l’immigration clandestine, avec tous ses dangers.
– En suivant les lois internationales, on traite les demandes d’asile des clandestins une fois arrivés dans notre pays, dans les conditions que j’ai décrites en introduction, c’est-à-dire, en «service minimum».
– En suivant les seconds, plus d’expulsion de demandeurs d’asile déboutés (le souvenir des «charters» de M.Pasqua reste tenace !) régularisation générale après 5 ans donc, envoyant au passage un mauvais signal aux candidats à l’immigration.
Une politique d’immigration cohérente s’impose d’évidence, agissant en amont et organisant un accueil raisonnable, en rapport avec la situation de chacun pour garantir des conditions de voyage et d’intégration. Pour cela, il faut, que tous les pays concernés, -au moins ceux de l’espace Schengen, mais aussi la Grande Bretagne- :
1) augmentent les aides économiques vers certains pays pour éviter l’émigration massive et intensifient les interventions diplomatiques partout où elles ont un sens pour les pays en guerre. Et, là où elles n’en ont pas, interviennent militairement pour aider à remettre de l’ordre dans le pays. Et si les frappes aériennes ne suffisent pas, comme en Irak et en Syrie, envisagent une intervention terrestre… Les États-Unis, qui nous ont mis dans ce pétrin par une expédition insensée en 2003, ne devant pas s’exonérer de nous y rejoindre, de même que les pays arabes voisins…
2) entendent la position de leur population, pour mettre fin par référendum au débat permanent entre partisans de l’ouverture inconditionnelle et partisans de la fermeture inconditionnelle des frontières. La question «Voulez-vous accueillir tout le monde ?» serait assortie d’une «contribution solidarité» due par tous pour garantir un accueil digne aux arrivants, (réajustable chaque année en fonction de la réalité constatée), afin que le débat ne soit pas faussé par «la générosité avec l’argent du voisin» :
– Si la réponse majoritaire est «oui», tout migrant pourra arriver par ligne aérienne ou maritime régulière. Le pays en question quittera alors l’espace Schengen, évitant de devenir un point de passage des migrants vers les pays limitrophes à la politique plus prudente.
– Si la réponse est non, la condition pour rester dans l’espace Schengen est d’être , malgré tout, prêt à accueillir des migrants, mais de façon contrôlée,et à la mesure de ses capacités à les intégrer. Capacités qui pourraient, bien entendu, être différentes selon les pays concernés.
3) distribuent des visas dans leurs consulats, dans un délai et en nombre raisonnable pour ne pas générer une immigration clandestine, prospérité des passeurs. À ce propos, il faudra admettre de ne pas réserver les visas aux seuls réfugiés politiques ou climatiques, mais en faire aussi bénéficier certains «réfugiés économiques» à condition que ceux-ci s’engagent à accepter de travailler dans un des domaines professionnels en recrutement déficitaire, dans un délai maximum à fixer.
Lorsque la situation du pays d’origine, ne permet pas de se rendre dans le consulat souhaité, on ouvrira dans les pays limitrophes sûrs,(dont certains états arabes riches de la région…), et avec l’accord de leur gouvernement, des camps d’accueil accessibles sans danger, où une représentation diplomatique distribuera des visas.
Bien entendu, cela aura un coût. Que les partisans de l’immigration zéro se rassurent : sans commune mesure avec ce que coûte aujourd’hui l’immigration subie et indigne.
4) renvoient sans état d’âme dans le pays d’origine (ou dans un des camps d’accueil), toute personne sans visa. L’excuse du «sans papier» ne doit plus être prise en considération : chacun sait d’où il vient ! On sait que tout dossier ouvert sous un nom et/ou une nationalité fantaisistes, engendre de graves conséquences, quand la régularisation arrive (dont l’impossibilité de visa sur le passeport, l’inscription des enfants aux examens faute d’acte de naissance, etc)…
Le message doit être que toute immigration illégale est vouée à l’échec, et si la motivation est sincère, si les qualités requises sont réunies, la seule voie possible est la voie légale.
5) organisent la surveillance des frontières extérieures à l’espace Schengen, parce que à l’abolition des frontières nationales, les économies réalisées auraient dû être affectées au contrôle de la frontière commune. Il faut y parvenir pour donner un sens à cet espace. La fermeture, par la Hongrie, de ses frontières délimitant Schengen est, certes, maladroite, car spectaculaire, solitaire, sans doute excessive, teintée de xénophobie, et non précédée d’une mise en demeure adressée à Bruxelles, mais elle a au moins le mérite de bien poser le problème.
Dernière minute : fin septembre, il semble que le gouvernement ait voulu améliorer l’accueil des migrants à leur arrivée en France, pour les loger à l’hôtel le premier jour de leur demande d’asile et créer une procédure d’urgence pour ceux qui ont toute chance d’obtenir l’asile et ceux qui n’en ont aucune (issus de «pays sûrs»), portant le délai de présentation du dossier OFPRA de 3 à 6 mois à 8 jours.
Quelle sera la suite ?
Yves Le Coroller
Conseiller Départemental du Modem Morbihan