ÉDITO DU 23 MARS 2015.
PARIS, COPENHAGUE, TUNIS :
UNE MÊME GUERRE CONTRE LA CIVILISATION
Au musée du Bardo, à Tunis, le terrorisme vient à nouveau de frapper lâchement et malheureusement frappera encore et de manière aveugle.
Tout comme le 7 janvier dernier nous nous sentions tous « Charlie », aujourd’hui nous sommes tous « Tunisiens ».
La stratégie de la terreur djihadiste, repose sur deux concepts.
Le premier à destination des pays occidentaux est de créer la peur et de semer le doute dans les esprits, par des attentats ciblés ou aveugles.
Le second consiste à saboter toute tentative de processus démocratique qui pourrait naître dans un pays musulman à l’instar de ce qui se passe en Tunisie.
Depuis plus d’un an, la Tunisie est menacée par plusieurs types de groupes djihadistes, à l’ouest, à l’est et au sud de son territoire :
A l’ouest, au mont Chambi (frontière algérienne), une brigade dépendant d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) mène des actions terroristes contre les forces de sécurité tunisiennes.
A l’est et au sud (frontière libyenne), le groupe Ansar Al-Charia a intégré les forces de Daech en Libye, (dont le commandant Abou Zakariya al-Tunisi vient d’être tué près de Syrte en Libye).
On ne s’interrogera jamais assez sur le chaos libyen, suite à l’intervention de la France en 2011. Intervention militairement réussie, mais mal préparée sur l’après Kadhafi, sans aucune réflexion sur la mise en place d’un gouvernement de transition susceptible de bâtir une constituante ayant pour objectif la rédaction d’une constitution.
Au lieu de cela, la Libye a été laissée aux mains de différentes mouvances djihado-islamiques et/ou tribales, avec les répercussions que l’on connaît.
Tous ces groupes terroristes sont en guerre avec l’actuel gouvernement tunisien, symbole du printemps arabe. Et, parce qu’ils ne veulent ni de la démocratie ni de la liberté, ils tentent de détruire le processus démocratique du seul pays arabe à avoir réussi sa transition démocratique, pour essayer de le ré-orienter vers l’obscurantisme et l’asservissement religieux.
Pour détruire un processus démocratique d’un pays, rien de tel que de s’attaquer à son économie et lorsque celle-ci repose sur le tourisme, comme c’est le cas en Tunisie, le terrorisme djihado-islamique s’attaque aux emblèmes touristiques et aux ressources des villes de la côte et du nord tunisien, qui comme par hasard, ont massivement voté pour le parti laïc Nidaa Tounis (au pouvoir depuis les élections de décembre 2014), alors que le centre et le sud du pays ont majoritairement voté pour le parti islamique Ennadha.
Ennahda, arrivé au pouvoir en s’appuyant essentiellement sur les classes les plus pauvres du centre et du sud du pays, croyait enfin détenir le pouvoir après la chute de Ben Ali. C’était sans compter sur les Tunisiens de la société civile, comprenant un important tissu associatif, un mouvement syndical structuré et une vraie classe moyenne laïque,
La question aujourd’hui est de savoir si, -et comment-, la Tunisie pourra faire face à la menace islamiste, sachant que sous Ben Ali les forces de sécurité et de renseignements étaient privilégiées et à sa chute, comment elles ont été considérablement démantelées, dans la logique de la «révolution du jasmin».
Comme on ne reconstruit pas une politique de sécurité en quelques semaines, il est à craindre que la porosité frontalière tunisienne ne permette aux près de 3000 djihadistes tunisiens de Daech, de mener de nouvelles actions terroristes contre leur pays.
Par ailleurs, Il ne faudrait pas qu’en Tunisie, le «tout sécuritaire» reprenne le pas de manière aveugle, avec pour conséquences de favoriser en retour, un creuset islamiste radical, au cœur des prisons.
C’est une démocratie réelle, avec un pouvoir laïc alternatif, qui sera, à terme, le meilleur rempart contre le terrorisme.
Jean-Yves TRÉGUER