Actualités Démocrates d’ Europe du 15 décembre 2014.
Budget français: comment les colombes l’ont emporté sur les faucons.
La France a eu chaud, très chaud. Les faucons de la Commission, encouragés par des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, mais aussi l’Espagne ou le Portugal, se sont démenés ces dernières semaines pour que soit lancée, dès vendredi, une procédure de sanctions financières contre l’Hexagone coupable de violer le Pacte de stabilité. Mais, au final, ce sont les colombes qui l’ont emporté : l’avis définitif de l’exécutif communautaire est renvoyé au printemps. « Le fait que la Commission soit soutenue au Parlement européen par une grande coalition conservateurs-socialistes-libéraux et non plus conservateurs-libéraux comme du temps de Barroso a aussi pesé »,commente un haut fonctionnaire européen.
Jean-Claude Juncker était partisan de la modération à l’égard des pays violant le Pacte de stabilité, et ce, pour des raisons politiques : les pousser dans leurs retranchements ne pourrait, selon le président de la Commission, que faire le jeu des extrémistes de tous bords. Mais, lors du G20 de Brisbane, en Australie, des 15 et 16 novembre, ses entretiens avec François Hollande, le chef de l’Etat français, et Matteo Renzi, le président du Conseil italien, au cours desquels il leur a demandé davantage d’efforts, se sont très mal passés. Et, manque de chance, c’est le Letton Valdis Dombrovskis, vice-président chargé de l’euro, qui accompagnait JC Juncker, en lieu et place de Pierre Moscovici, commissaire chargé des affaires économiques, financières et fiscales, (rappelé en France par le décès de son père, Serge). Or, l’ancien premier ministre qui a infligé à son pays une cure d’austérité sans précédent, est un dur de dur : surfant sur la colère de Juncker, furieux de l’inflexibilité des dirigeants français et italien, et il a profité du voyage australien pour le convaincre de ne pas transiger davantage.
«Moscovici a dû ramer toute la semaine pour ramener Juncker à de meilleurs sentiments», raconte un diplomate européen. Les fausses manœuvres des faucons l’ont aussi aidé. Ainsi, la tribune publiée la semaine dernière dans le Financial Times par le commissaire allemand, Gunther Oettinger, appelant à traiter une France «déficitaire récidiviste» «avec rigueur» a eu l’effet inverse de celui recherché : en «oubliant» d’avertir au préalable Juncker, il a donné l’impression de vouloir lui forcer la main. De même, les pressions du gouvernement allemand n’ont pas été appréciées, le président de la Commission ne voulant surtout pas donner l’impression d’être la marionnette de Berlin. Enfin, « l’organisation de la Commission a aidé Moscovici. Ainsi, l’ancien premier ministre finlandais Jyrki Katainen, un dur, s’est retrouvé dans le camp des colombes, car il est désormais chargé de la croissance », s’amuse un haut fonctionnaire.
Le jeu était compliqué : pour préserver la crédibilité de la Commission dans la gouvernance économique de la zone euro, il était hors de question d’accorder immédiatement un nouveau délai à la France, alors que la Commission lance un plan d’investissement de 300 milliards d’euros… Cela risquait de faire beaucoup de cadeaux.
D’où la solution trouvée : d’abord des efforts supplémentaires puis un délai et pas l’inverse.
Source : blog Les Coulisses de Bruxelles Jean Quatremer.