Actualités Démocrates d’Europe du 10 novembre 2014;
AVIS D’UN ÉCONOMISTE À PROPOS DU STRESS-TEST ORGANISÉ PAR LA BANQUE CENTRALE EUROPÉENNE.
EXTRAIT DE L’ARTICLE «LE MONDE» de Raphaël Didier*
La BCE vient de dévoiler les résultats des stress tests, auxquels ont été soumises les 130 banques les plus importantes de la zone euro, (85 % du système bancaire de la zone). Seules »25 banques ont échoué (France 100 % de réussite)… Peut-on en déduire que les banques européennes sont désormais suffisamment solides pour supporter toutes les crises ?
Conçus par l’Autorité bancaire européenne (EBA) ces tests complètent la revue de la qualité des actifs, (objectifs : vérifier que les banques n’ont plus de cadavres dans leur placard et mesurer leur capacité à supporter chocs économiques et financiers : déflation, récession, hausse des taux d’intérêt, du chômage, chute du marché immobilier etc). Une banque réussit aux tests si son ratio de fonds propres durs reste supérieur à 8 % pour le scénario moyen et 5,5 % pour le scénario noir.
Certes, les critères retenus pour les stress tests 2014 sont plus sérieux que ceux de 2010, qui avaient conduit à déclarer solides les banques irlandaises à la veille de leur faillite retentissante… Mais le scénario noir reste encore très optimiste sur l’évolution du taux de chômage (12,2 % en France et 21,6 % en Grèce en 2016) et n’entrevoit qu’une faible déflation d’ici à 2 ans, alors que les déclarations de Mario Draghi témoignent d’une inquiétude grandissante à ce sujet.
L’hypothèse retenue est trop généreuse. Quant à l’hypothèse d’une récession courte et peu intense qui céderait rapidement sa place à la croissance, elle ignore la dégradation de l’économie réelle et les travaux des économistes L. Summers et R. Gordon laissant entendre que nous entrons dans une période de grande stagnation économique.
* La question du maintien de certains pays au sein de la zone euro est toujours ouverte (non prise en compte dans ces tests), malgré les conséquences sur les bilans bancaires, démontre que les cygnes noirs restent des impensés.
* Croire que de tels tests permettront de réduire le risque systémique en Europe est une illusion, comme se persuader que le risque systémique a disparu en France, suite au vote de la pseudo-loi de séparation bancaire.
* Tant qu’il n’y aura pas une vraie volonté politique de dissocier la banque finançant l’économie réelle de la banque casino, de stopper la spéculation et réduire la taille des établissements réputés «trop gros pour faire faillite» et la consanguinité entre mondes bancaires et politiques, les crises bancaires continueront à se multiplier…, même si les ratios prudentiels sont respectés !
55 milliards d’euros ? C’est bien peu
La faillite de la première banque portugaise Banco Espirito Santo a rappelé la pertinence de ces questions. 55 milliards d’euros pour sauver le système bancaire européen, c’est bien peu lorsque le sauvetage des banques espagnoles avait mobilisé à lui seul 40 milliards d’euros en 2012 !
Il y a fort à parier que si une catastrophe bancaire arrivait, les États seraient à nouveau obligés de s’endetter pour sauver les banques. Sauf que, cette fois, les États ne disposeront plus de marges de manœuvre suffisantes…
L’esprit de la supervision bancaire européenne pour éviter qu’une crise bancaire ne se transforme en crise de la dette au sein de la zone euro, sera donc inévitablement bafoué, car l’Union bancaire ne se donne pas les moyens d’éviter une crise, mais tout au plus, d’en limiter les dégâts. Quel manque d’audace !
Lire aussi :http://www.lemonde.fr/economie/
*Raphaël Didier, économiste, (IUT Moselle-Est et ICN Nancy) Auteur de «Les grands débats économiques actuels» ?