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Accords de Genève sur le nucléaire iranien. | Modem 56
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Accords de Genève sur le nucléaire iranien.

Personne ne doute que l’accord signé dans la nuit du 23 au 24 novembre, entre l’Iran et le groupe dit des 5+1 (Etats-Unis, Chine, Russie, Grande-Bretagne, France plus l’Allemagne), ne soit un pas important vers l’arrêt de la course à l’enrichissement d’uranium de la part de l’ Iran, mais la vraie négociation commence au lendemain de cet accord, qui n’est que préliminaire et devra déboucher sur un accord définitif d’ici à six mois.
En premier lieu, faisons le point sur cet accord et voyons quels en sont les lignes de forces et les points de faiblesse.

L’Iran s’est engagé à une profonde révision de son programme nucléaire et se soumettra à des inspections poussées pendant six mois :
• à cesser tout enrichissement d’uranium à plus de 5 % et démantèlera les processus techniques nécessaires pour enrichir à plus de 5 %, c’est à dire une    partie de ses centrifugeuses.
• à neutraliser son stock d’uranium enrichi à 20% en le diluant.
• à arrêter la construction de toutes nouvelles centrifugeuses, avec cependant le droit de remplacer celles existantes.                                                                            
•à interrompre les travaux qui mèneraient à la mise en marche d’un réacteur à eau lourde dans l’usine d’ Arak ainsi qu’à la production de combustible à destination de cette  centrale.
•à renoncer à construire une unité capable d’extraire du plutonium à partir de combustible usagé (centrale russe en service à Bouchehr).
• à permettre aux experts de l’A.I.E.A. (Agence Internationale de l’ Energie Atomique) un accès quotidien aléatoire et intrusif aux sites d’enrichissement de Natanz et de Fordow, ainsi qu’aux usines de fabrication des centrifugeuses et aux mines d’uranium.
De leurs côtés les 5+1 se sont engagés à un allègement des sanctions « limité, temporaire, ciblé et qui pourra être annulé », équivalant à environ sept milliards de dollars, ce qui ne représente qu’une fraction du coût total des sanctions pour l’Iran, de plus ils se sont engagés à :
• ne pas imposer de nouvelles sanctions pendant la fenêtre de six mois si l’Iran respecte ses engagements
• à suspendre certaines sanctions sur l’or, les métaux précieux, le secteur automobile et les exportations pétrochimiques de l’Iran.
• à permettre, inspections, entretiens et réparations en Iran pour certaines compagnies aériennes iraniennes.
• à autoriser le versement de 400 millions d’euros pour financer les études d’étudiants iraniens à l’étranger.
• à faciliter les achats de nourriture et de matériel médical entre l’Iran et le reste du monde.
• à débloquer 4,2 milliards de dollars en provenance de sanctions sur les ventes de pétrole iranien.
De nombreuses sanctions économiques ne sont pas levées par cet accord, notamment le blocage des réserves de change iraniennes, de même que les sanctions contre une vingtaine de banques iraniennes.

Alors , cet accord est-il un bon accord ?

A mon sens oui car c’est ce que l’on appel un accord « gagnant-gagnant » dans lequel aucune des parties ne perd la face. L’Iran qui avait fait de son droit à l’enrichissement une ligne rouge infranchissable a obtenu gain de cause avec la reconnaissance des 5+1 pour de l’enrichissement à 5%, niveau suffisant pour fabriquer du combustible pour les centrales . Ne jamais perdre de vue que le nationalisme iranien, toutes tendances confondues, faisait et fait toujours consensus sur ce droit à l’enrichissement, comme tous pays signataire du TNP*.

De leur côté les 5+1 ont obtenu un engagement de la part de l’Iran d’une part sur ce seuil de 5%, (pour mémoire le seuil militaire requiert un enrichissement à 90%), et d’autre part sur l’arrêt de la fabrication de centrifugeuses, dont la démultiplication est nécessaire pour arriver à ce seuil de 90%.
Quelles seront les retombées économiques d’un tel accord pour la France ?

La ligne dure défendue par Paris, depuis 2007, va compliquer le retour des sociétés françaises en Iran. Même si Bercy s’apprête à rouvrir sa Mission Economique près l’Ambassade de France à Téhéran, beaucoup de rancoeurs se sont accumulées contre la France et notre image est devenue catastrophique (informations directes de Téhéran). La perception de l’attitude de Laurent Fabius, ayant tenté de faire échouer l’accord, n’est que le dernier épisode d’un drame économique qui a vu littéralement s’effondrer le montant des échanges entre la France et la République islamique, passant de 2000 milliards d’euros en 2006 à 500 millions aujourd’hui.Dès le mois prochain « çà va être la foire d’empoigne » prédit un fin connaisseur de l’économie iranienne.

Les Américains sont prêts, (revoir sur ce même blog, dans l’onglet « Nos Ecrits » l’article que j’avais écrit début août 2013 sous le titre  » Iran, Washington le retour ») car ils avaient anticipés dès le mois de mars 2013, via des rencontres secrètes au sultanat d’Oman, une possibilité d’ouverture. Après la session de l’assemblée générale de l’O.N.U. à New-York, en septembre dernier, ces contacts se sont accélérés jusqu’à atteindre leur apogée avec l’entretien téléphonique entre le Président Obama etle Président iranien Rohani, tout nouvellement élu .
Les Allemands, quant à eux, ont habilement travaillé à leur retour dans un pays qui leur a toujours été favorable. De leur côté les Iraniens (75 millions d’habitants, 65% ont moins de 35 ans et 60% d’une classe d’âge entre à l’université) ont développé leurs propres solutions pour répondre à leurs besoins. Ils se sont aussi tournés vers l’Asie
(Chine, Corée du Sud, Japon).
 Les Français vont découvrir  « qu’ils sont partis à la chasse et ont perdu leurs places ».
De mon point de vue ce sera long et compliqué, mais si nous savons, sans arrogance, renouer nos fils laissés en déshérence dans ce pays, il n’y a aucune raison que nous ne parvenions pas à nous réinstaller, d’autant que les besoins sont immenses et que au cours des six mois à venir nous allons assister au redémarrage de l’économie iranienne. Le pays est potentiellement très riche, de son pétrole, de son gaz, d’une certaine capacité industrielle, mais aussi et surtout de sa jeunesse. Il était en sommeil, à cause des sanctions économiques, mais à terme, si l’Iran respecte l’accord, et joue finement sur l’affaire syrienne, il deviendra la puissance régionale d’un point de vue économique, mais aussi politique. Politique, parce qu’il suffit de regarder une carte de la région, pour voir qu’ autour de l’ Iran nous avons :
• l’ Afghanistan : un chaos malgré douze ans de guerre américaine 
• l’Irak : un chaos malgré dix ans de guerre américaine.
• la Syrie, avec sa spirale de l’horreur.
• l’ Egypte, avec ses turbulences maximales.
De fait, l’Iran est l’un des seuls pays stables de la région, qui a été, jusqu’en 1979, un allié majeur des Etats-Unis et de l’Occident. C’est un pays doté de ressources importantes, d’une population éduquée, capable de se projeter dans l’avenir. Un rapide bilan « pertes et profits » plaide en faveur du retour de l’Iran dans le giron des puissances occidentales, mais pour cela il faudra que les Américains calment les ardeurs aventurières d’Israël.
Jean-Yves Tréguer
* TNP = Traité sur la Non Prolifération des armes nucléaires.
 

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