Des pistes pour la relance ?
À son arrivée au pouvoir, notre gouvernement a trouvé caisses vides et croissance à zéro, sans surprise car la situation était connue avant les présidentielles. Devant celle-ci, n’importe quel citoyen moyen savait qu’il fallait, bien sûr ré-alimenter d’urgence nos caisses mais prioritairement relancer la croissance, sans laquelle, quoi que l’on fasse, les caisses de l’État et des régimes sociaux ne peuvent que se vider. Pour cela, à l’évidence il fallait inciter les entreprises à investir pour améliorer leur compétitivité, sans toucher au pouvoir d’achat de la population, (deux des trois moteurs de la croissance). Bien que l’ayant bien compris, le gouvernement précédent avait tardé à mettre les bonnes mesures en oeuvre, on le sait. Un enfant de 5 ans, ignorant ce qu’est la croissance et comprenant mieux ce qu’est une caisse vide aurait peut-être privilégié de réalimenter directement les caisses, allant chercher l’argent là où il est en plus grande quantité : les caisses des entreprises et les poches des citoyens. Quelle solution a choisi notre gouvernement ?
Celle de l’enfant de 5 ans, comptant sur la méthode Coué pour faire revenir la croissance. Pourtant, les moyens de conciliation entre préservation du pouvoir d’achat, stimulation des investissements et réalimentation des caisses existent ! «Nous allons frapper les riches», dirent en choeur le Président de la République et le Premier Ministre. Pourquoi pas ? Dans ce pays, en quelques années, un nombre de plus en plus importants de personnes sont devenues très riches , bien au-delà du nécessaire pour vivre confortablement et heureux. La cible était d’autant plus intéressante que ces gens là ne connaissent pas la crise, dépensent sans compter, sans contribuer à la bonne vitalité de notre économie (en dehors de l’industrie du luxe, leur argent part à l’étranger ou dans des placements spéculatifs, y compris l’immobilier qu’ils font flamber, ou restent dans leur monde à l’abri des taxes et autres cotisations grâce aux mécanismes mis en oeuvre par leurs gestionnaires de fortune). Ce qu’ils gagnent réduit d’autant le pouvoir d’achat du reste de la population. Cette affirmation est une stupidité si ces «très riches» sont peu nombreux, (car les sommes sont marginales en pourcentage), mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Le drame est que, pour notre gouvernement, on est riche si on gagne plus de 11896€ par an : en gros, le SMIC ! Résultat : tout augmente, à commencer par l’impôt sur les revenus, mais la TVA va suivre, ainsi que les cotisations sociales, pendant que l’on gèle les revenus des fonctionnaires et des retraités. Et pourtant, les solutions existent : « Nous allons taxer les riches à 75% » disait F. Hollande, déclaration électorale irresponsable et inutilement provocatrice.
Il y a quelque chose à faire sans démagogie pour l’Impôt sur le revenu, «juste car progressif». Pourquoi cesse-t-il de l’être, à partir d’un revenu annuel de 70830€, (environ 5500€ par mois) ? C’est déjà bien de gagner cette somme, mais à 5500€ par mois, est-on aussi riche qu’à 550000,(100 fois plus)? Sur ce point, heureusement, le gouvernement a fait un pas dans le bon sens en créant une tranche à 45% à partir de 150000€, (11500€ mensuels). Pourquoi s’arrêter en chemin ? Une augmentation de 5% (voire de 10% ?) à chaque doublement des revenus, ne
redonnerait-elle pas à l’IRPP son véritable caractère progressif ? la tranche à 50% s’appliquant à 300k€ , 55% à 600k€, pour parvenir à 9,6M€ aux fameux 75%. À ce stade, le caractère provocateur de la déclaration de F. Hollande disparaîtrait.
Les niches fiscales, non pas celles générées par les enfants, qui sont maintenant considérés comme niches fiscales, ni l’emploi des femmes de ménages ou des jardiniers… je parle des «vraies niches fiscales», tels les investissement dans les PME, les DOM TOM, le cinéma ou autres placements à risque. Aujourd’hui, les abattements accordés par l’Etat sont à fond perdu, c’est-à-dire
que si l’investisseur perd son argent, l’Etat le perd également, mais si l’investisseur gagne de l’argent, l’Etat perd aussi : on joue perdant-perdant et gagnant-perdant. Je préfèrerais une
véritable association dans la prise de risque, avec participation de l’Etat à l’investissement et donc aux bénéfices réalisés et possibilité pour l’investisseur de racheter la participation de l’Etat à tout moment.
Augmenter taux normal et taux réduit de la TVA est dangereux : l’abaissement à 5,5% avait porté un coup au «travail au noir». Cette augmentation, si elle se concrétise, associée à la réduction du plafond des micros
entreprises, dans une France où le pouvoir d’achat est aussi malmené, va immanquablement donner lieu à une renaissance du travail au noir, avec les manques à gagner correspondants sur les taxes et impôts et sur les
cotisations sociales.
Il n’y a pas si longtemps, une TVA à 33% sur les produits de luxe fut abrogée, pour favoriser l’industrie automobile, du disque, etc. Appliquée aux vrais produits de luxe, qui ne ne se sont jamais aussi bien portés, achetés par des gens pas trop regardants sur les prix, elle serait être d’un bon rapport pour l’Etat, sans nuire à la relance, ni aux exportations, ni aux achats par les étrangers de passage en France.
Quant aux «plus values» (boursières, immobilières ou autres), y compris celles réalisées sur la vente de l’habitation principale (éventuellement échelonnable sur 4 ans), elles devraient être intégrées dès le premier Euro, aux sommes taxables au titre de l’impôt sur le revenu. En effet, la motivation lors de l’achat de l’habitation principale, hors l’espoir d’une éventuelle plus-value, est bien la constitution d’ un capital (car le coût du remboursement des prêts est à peine plus cher qu’un loyer à vie en pure perte). Si le produit de la vente ne donne pas lieu à nouvel achat immobilier, c’est de la plus value pure, par effet d’aubaine, qu’il est juste de partager avec l’Etat. S’il est réinvesti dans un autre bien immobilier, on peut espérer que le prélèvement effectué par l’Etat sur la plus value donne un coup de frein à la spirale des prix observée depuis quelques années (aujourd’hui, il devient impossible, même à un couple de cadres moyens avec deux enfants de trouver un logement décent à Paris ou même dans
certains secteurs de province). Cette flambée des prix de l’immobilier, frein puissant à la croissance, contraint à consacrer une part croissante du budget des ménages au logement, au détriment de leur pouvoir d’achat général.
L’ISF, impôt auquel je n’étais pas très favorable, rapporte de l’argent. Censé frapper les plus riches il ne devrait pas peser sur le pouvoir d’achat, donc sur l’emploi. En réalité, deux grosses anomalies qui lui font rater sa cible :
1 -Son assiette estimée sur la valeur actuelle des biens, réévaluée du seul fait de la mode portée par la classe grandissante de «vrais» riches séduits par la localisation du bien (ex : Ré, Lubéron ou certains secteurs du littoral)
frappe des braves gens qui n’ont d’autre fortune que la terre qu’ils cultivent ou un logement acquis par leur travail. Ceci conduit ceux-ci à payer pendant des années un impôt très lourd s’ils conservent le bien (dont la valeur risque de retomber lorsqu’ils voudront le vendre), ou à le vendre pour s’installer ailleurs. Il serait beaucoup plus juste de calculer cet impôt sur la valeur réelle de la dernière transaction (achat, héritage ou partage),
-réactualisée en Euros constants-et d’attendre la revente pour taxer la plus value. Cela n’est pas favorable aux caisses de l’Etat, aussi il conviendrait de corriger une autre anomalie :
2 -Les oeuvres d’art continuent à échapper à l’impôt, devenant ainsi une monnaie-refuge pour les liquidités importantes. Dès qu’on parle de les soumettre à l’ISF, nombre de personnages puissants, (bénéficiaires, bien
entendu, de ce dispositif), nous expliquent doctement dans les médias, que leur taxation serait une véritable catastrophe pour la France, chacun se précipitant pour faire sortir ses oeuvres d’art du pays. La belle affaire ! Dans
un salon privé ou un coffre de banque à Paris, Tokyo ou Singapour, ces oeuvres ne changent rien à la vie de la France et les Français, qui, -de toute façon-n’en profitent pas. La juste règle serait de les soumettre à l’ISF, avec
abattement au pro rata du nombre de jours de leur exposition effective dans un espace ouvert au public en France, (une oeuvre exposée en permanence atteignant 100%).
L’équilibre des retraites Comme déjà proposé, la prise en charge par les caisses de retraite des cotisations des chômeurs et des emplois exemptés, et, pour compenser, le calcul d’une partie des cotisations chômage patronales
proportionnellement au ratio CA réalisé en France/nombre d’emplois en France apporterait de l’air tout en favorisant l’emploi, mais aucune réforme ne sera efficace sans harmonisation des régimes et abrogation des
privilèges des salariés de sociétés -EDF par exemple- ou corporations, gestionnaires de caisses de retraites propres devenues déficitaires, qui profitent aujourd’hui du régime général.
Ces quelques exemples me sont passés par la tête. Je suis sûr qu’en cherchant bien, nos hauts fonctionnaires des Finances trouveraient encore d’autres moyens et d’autres sources de revenus moteurs de croissance.
Par chance, le gouvernement a renoncé à taxer les résultats bruts d’exploitation, (donc l’investissement). Espérons qu’il va sérieusement revoir sa copie sur l’Ecotaxe grâce à laquelle les intérêts d’Ecomouv sont
davantage pris en compte que ceux de l’Écologie et de l’équilibre économique des régions excentrées : comme si nous n’avions pas assez de chômeurs !
Gouverner, c’est prévoir, c’est aussi faire preuve d’imagination dans les situations difficiles. Dommage que ce gouvernement ne nous laisse voir ni l’un ni l’autre.
Yves LE COROLLER
Posté sur le blog par MoDem Morbihan, dimanche 24 novembre 2013 || Catégorie(s) : Nos Ecrits