Jusqu’ici, tout va bien.
Ce midi, l’écotaxe a été suspendue par le gouvernement. Certains s’en féliciteront, d’autres non. De mon côté, je ne peux m’empêcher de nourrir une certaine déception quant au fonctionnement de notre société. Comment peut-on en arriver là ? Le projet d’écotaxe a été lancé en 2007 lors du Grenelle de l’Environnement, soit il y a déjà six ans. Le besoin initial était de désengorger les routes (hors autoroutes payantes) du transport de marchandises, et de favoriser le report vers le rail ou les voies d’eau, tout en finançant de nouvelles infrastructures. Objectif louable, tout le monde étant conscient que les énergies fossiles sont une ressource limitée et qu’il faut le plus tôt possible penser à des solutions alternatives (quand je dis «le plus tôt possible», n’oubliez pas que les débats du Grenelle de l’Environnement se sont déroulés il y a déjà six ans).
«Finalement», l’écotaxe sera votée en octobre 2008 pour une application en 2011. Le délai accordé devait permettre aux transporteurs de s’adapter. On peut donc imaginer que les deux années séparant le vote de l’application de la loi ont été riches en actions et en recherche de solutions de la part des différents acteurs, que ce soient les entreprises de transport, celles nécessitant ce transport, les syndicats, les élus locaux et nationaux… La plus spectaculaire action a sûrement été le repoussement de l’application en 2013. Bah oui, pourquoi fâcher ? Il a donc été décidé en haut lieu que deux ans de plus ne seraient pas de trop pour mieux faire dialoguer les acteurs pré-cités. Allez, on n’est pas chiches non plus, disons 1er janvier 2014, comme ça tout le monde est content.
En y repensant, y a-t-il réellement eu dialogue ? Comment peut-on arriver au point actuel, à savoir assister à la confrontation violente des professionnels de la route avec les forces de l’ordre en plein cœur de la Bretagne ? Les responsables syndicaux ont-ils fermé leurs yeux durant toutes ces années au lieu de trouver des solutions ? Nos députés, dont nombre d’entre eux revendiquent la nécessité de garder une «implantation locale» par le biais d’un ou plusieurs mandats locaux afin de garder un lien avec la réalité de leurs circonscriptions, sont-ils restés sourds face à l’expression des craintes et des difficultés à s’adapter à cette prochaine application de loi ? Nous élisons des représentants, qu’ils soient professionnels ou politiques. Nous les élisons afin que, lors de dialogues constructifs, les meilleures décisions soient prises en notre nom, pour le bénéfice commun. Certes on ne peut contenter tout le monde, mais en prenant les décisions assez tôt, il est toujours possible d’accompagner les populations devant adapter leurs habitudes afin que le plus rapidement possible elles puissent elles aussi bénéficier du changement. Cela nécessite du courage et de la responsabilité de la part de tous les acteurs. À l’instant présent, je ne vois que trop peu de courage de la part de nos représentants. Les décisions semblent, depuis des années, être prises à la va-vite, au dernier moment, alors que ça ne devrait pas être le cas. Six ans !
La procrastination des changements majeurs est une plaie pour la France. Il manque une réelle vision à long terme, afin de réformer progressivement notre pays pour qu’il puisse faire face aux défis de demain… voire aux défis d’hier… Et je suis persuadé que nous avons tous les moyens d’y arriver !
Il y a une excellente enquête de Mediapart sur le sujet. On y voit notamment qu’en 2009,il n’est prévu que de taxer 2000 km de routes nationales,puis en 2010 les conseils généraux ont demandé à faire partie du dispositif et on est passé à 5000 km. Le Finistère lui a refusé d’en faire partie. En juillet 2011 le Conseil d’Etat valide un schéma qui taxe 15000 km. Qui le sait?