
Islamisme et démocratie
Ce qui se passe en Egypte, mais aussi dans de nombreux
pays arabes, ne peut laisser personne indifférent. Au delà
du peuple égyptien et des peuples arabes, cela interpelle
les démocrates du monde entier. Franz Olivier Giesbert
dans le Point consacre son éditorial à « La rébellion
égyptienne et l’impensé raciste. »
« Que 14 millions d’égyptiens sur 83 aient manifesté dans la rue, la semaine dernière, contre le régime islamiste des Frères musulmans, cela semblait incongru aux yeux des meilleurs observateurs. Comme si les peuples arabes étaient condamnés à l’Islam le plus absurde et le plus rigide. Comme s’ils n’avaient pas le droit de sortir des clous que leur indiquent leurs agents de la circulation islamique. Arabe=musulman, tel est le credo…Par définition, l’Arabe serait musulman, pas modéré mais islamiste, tendance bigot, pour ne pas dire arriéré ; il ne serait donc pas fait pour le XXIème siècle. C’est cette caricature humiliante qu’ont brisé les millions d’Egyptiens épris de liberté : en défilant massivement, ils ont précipité la chute du régime de Mohamed Morsi. »
De son côté, Laurent Joffrin consacre son éditorial du Nouvel Observateur à « Islamisme : « La résistible ascension ». Il écrit notamment : « Le pouvoir des Frères musulmans, prétendument irrésistible, s’est délité en un an. Incapables de gérer l’économie égyptienne, promoteurs d’une Constitution en partie inspirée par la charia, acharnés à noyauter l’administration du pays, voués à l’intimidation des médias et à l’oppression des minorités
coptes ou chiites, les Frères musulmans ont très vite perdu le soutien de la majorité de la population…Il reste de cet épisode confus une leçon très claire : l’instauration de régimes islamistes dans les pays des révolutions arabes n’a rien d’inéluctable. Contrairement à toutes les attentes, il existe dans ces pays des forces sinon laïques, du moins opposées à la dictature théocratique, capables de mobiliser une partie importante de la société et de faire échec aux entreprises pernicieuses des partis islamiques à façade légale. »

La jeune pakistanaise de 16 ans, Malala, agressée violemment dans un bus scolaire par des talibans est devenue selon Médiapart « le symbole de la lutte contre l’obscurantisme et le fanatisme religieux. » Elle fût l’objet d’une « standing ovation » à l’ONU après avoir dit notamment « Ils voulaient nous réduire au silence, mais ils ont échoué…La paix est nécessaire à l’éducation. Dans bien des parties du monde comme le Pakistan, le terrorisme empêche les enfants d’étudier…Je souhaite que chaque petite fille ait accès à l’éducation pour un futur radieux…Il faut utiliser l’arme de la connaissance contre la pauvreté, l’illettrisme et le terrorisme…Un enseignant, un livre et un stylo peuvent changer le monde. »
Selon l’ONU, plus de 57 millions d’enfants n’ont pas la chance d’aller en école primaire. C’est aussi un des méfaits de l’islamisme radical qui préfère des gens soumis et terrorisés à des personnes libres avec des opinions variées. En Turquie, il y a eu les manifestations importantes de la place Taksim qui se sont poursuivies par des grands débats démocratiques dans les parcs de la ville. Le premier ministre Erdogan n’a pas craint de dire : « Si vraiment nous avons des pratiques antidémocratiques, alors notre Nation nous renversera. » Partout, dans les pays arabes, les grandes places sont le lieu de ces rassemblements très importants de jeunes qui veulent retrouver leur liberté d’expression et qui ne veulent pas que leur première révolution qui a permis de chasser les
dictateurs corrompus soit accaparée par les Frères musulmans au profit d’une nouvelle dictature religieuse. La masse populaire est en effet capable de renverser les pouvoirs en place, comme au Caire, si la liberté d’expression et des modes de vie n’est pas respectée.
Il ne nous faut donc pas résumer le monde arabe à des régimes religieux auxquels les peuples seraient soumis de leur plein gré. Des millions de personnes se rassemblent partout dans le monde pour refuser les charias et pour exiger la liberté, qui seule peut permettre à l’économie des pays de redémarrer. Chacun doit être libre de pratiquer sa religion, mais les Etats doivent rester laïcs, c’est-à-dire respectueux des croyances de chacun. Malheureusement les intégristes musulmans se battent aussi entre eux : sunnites, chiites, salafistes ( voir note en fin de l’article)…Les guerres de religion deviennent vite des guerres civiles. On le voit notamment en Syrie, mais on le pressent aussi en Iran. En Tunisie, le président du parti islamiste au pouvoir Ennhada, parti des frères musulmans, veut relativiser la situation égyptienne. Dans son interview au « Monde » il dit :
« Nous pensons que c’est juste un arrêt et que la rencontre entre l’Islam et la démocratie reprendra son cours…En Tunisie, il y a un gouvernement d’union qui rassemble des islamistes et des laïques. Et nous avons à Ennahda, fait beaucoup de concessions pour éviter toute polarisation. Nous avons cédé sur l’inscription de la charia dans la future Constitution. Nous avons accepté un régime mixte mi-parlementaire, mi-présidentiel. Nous vivons une
démocratie consensuelle et non de majorité. » Cela montre bien que l’islamisme et la démocratie ne vont pas de soi. Ce sont les mouvements importants dans tous les pays arabes qui ont abouti à la marche arrière des frères musulmans en Tunisie et au retrait plus que symbolique de la charia dans le projet de Constitution.
Si l’on veut aider les peuples arabes à aller vers plus de démocratie et donc de liberté et de pluralisme, nous
devons veiller à ne pas associer, par racisme plus ou moins voilé ou par repli sur soi, le monde arabe et l’islamisme dogmatique et rétrograde. Ce qui se passe dans les pays arabes ne peut nous laisser indifférents.

Jacques JEANTEUR (militant MoDem des Ardennes).
Note :
Pour apporter une précision historique importante il faut savoir que Le Chiisme et le Sunnisme n’implique pas
l’intégrisme, au même titre que tous les catholiques ne sont pas des adeptes de Mgr Lefèvre. On trouve aussi
bien chez les sunnites que chez les chiites, (côtés pile et face d’une même racine religieuse), une majorité
adaptable au XXI ème siècle et une minorité qui, en fait, ne recherche qu’un pouvoir quelle ne possède pas, (parce qu’elle est justement minoritaire). Quant au salafisme, c’est une doctrine qui préconise l’interprétation d’un islam originel qui ne tiendrait pas compte de l’évolution de la société au cours des quinze siècles écoulés depuis « l’avènement du prophète ».En Syrie c’est une guerre civile qui tourne (a tourné) en guerre de religion et non pas l’inverse. Il n’y aura pas de guerre de religion en Iran, mais il est probable qu’une guerre pour le
pouvoir puisse, un jour, dégénérer en guerre civile, qui tournera inévitablement en guerre de religion.
Jean-Yves TREGUER
Posté sur le blog par MoDem Morbihan, dimanche 28 juillet 2013 || Catégorie(s) : Nos Ecrits