Fraude et évitement fiscal dans l’Union Européenne
Selon les estimations, la fraude fiscale et l’évitement fiscal dans
L’Union européenne avoisineraient mille milliards d’euros. Ce
présenterait donc pour chaque citoyen européen, un coût
annuel d’environ 2 000 € .
Inutile de dire que l’enjeu est de taille, tant en ce qui concerne les
recettes fiscales (avec la situation budgétaire que nous
connaissons), qu’en terme de justice et d’égalité devant l’impôt.
Pour une bonne part, c’est au niveau européen que cette lutte doit s’organiser, soit parce que la
réglementation est déjà de niveau européen (TVA, accises*), soit parce que dans les relations
internationales, seule l’Europe, avec son poids financier et économique, est de taille pour faire valoir ses
intérêts (vis à vis des US comme des paradis fiscaux).
Au delà des vastes fraudes autour de la TVA et des accises, où la priorité doit aller dans le sens d’une
coopération entre administrations fiscales européennes et d’une harmonisation plus poussée (en adoptant,
comme nous le réclamons au MoDem depuis longtemps, le vote des textes à la majorité qualifiée), deux
thèmes ont récemment émergé :
La lutte contre l’optimisation fiscale et la lutte contre les paradis fiscaux.
L’optimisation fiscale (ou encore « évitement fiscal ») est une procédure parfaitement légale permettant à
une entreprise exerçant son activité sur plusieurs pays de jouer sur les différences de règles (fiscales) et de
taux d’imposition (différents mot à supprimer).
L’idée est simple : on transfère le plus de charges possibles dans l’établissement dont le pays est le plus
« taxant » et à l’inverse on rapatrie les bénéfices dans le pays qui taxe le moins lourdement les revenus ;
Cela donne lieu à des opérations comptables très complexes, mais très rentables pour les sociétés
concernées, qui ont fait la une de certains journaux économiques comme Starbucks , Google ou encore
Amazon, qui arrivent à ne plus payer un centime d’impôt sur les sociétés dans les pays où ils réalisent leur
plus gros chiffre d’affaires.
La solution à cette dérive qui coûte très cher aux budgets nationaux ne peut être à l’évidence qu’européenne
et à partir de là, internationale. Là encore, la règle de l’unanimité est très préjudiciable, mais en attendant un
passage à la majorité qualifiée, on peut espérer rapidement mettre en place une déclaration obligatoire des
impôts acquittés pour chaque grand groupe dans chacun des États dans lesquels ils ont une activité. (Cela
va se mettre en place d’ici quelques mois pour les banques via le Règlement CRD IV appliquant Bâle 3**).
Mais il faut aller plus loin en interdisant par exemple aux grandes banques d’offrir à leurs entreprises clientes
des services très bien dotés en experts d’optimisation fiscale. Il faut surtout harmoniser les taux des impôts
sur les sociétés dans l’Union.
La lutte contre les paradis fiscaux : Vieille antienne !
Mais récemment il y a (eu) du nouveau avec la
volonté de créer au niveau européen notre propre liste des paradis fiscaux dans le monde.
L’OCDE avait bien dressé un premier inventaire dans le cadre du G20 mais, très rapidement, cette liste est
devenue vide… Alors oui, faisons notre propre liste au niveau européen ! Et tirons-en surtout les
conséquences dans nos relations diplomatiques, économiques et financières avec ces Etats.
Cela nous permettra par ailleurs de mieux défendre nos positions dans les discussions que nous devrions
avoir avec les Etats-Unis pour l’application du FACTA (Fair and Accurate Credit Transactions Act ). Par cet
acte les Etats Unis imposent aux banques (et à leurs filiales) de déclarer au fisc américain tous les comptes
détenus par des citoyens américains. Cela s’organise au travers d’accords bilatéraux entre les Etats Unis et
tout pays dont les banques veulent pouvoir effectuer des opérations aux Etats Unis.
La pression américaine très forte, a conduit récemment le Luxembourg à accepter les conditions
américaines et du coup à faire sauter le secret bancaire opposé à nombre de règles européennes.
Le Royaume Uni, l’Allemagne et la France pensent qu’il faut généraliser le FATCA et qu’ainsi nous aurons
enfin une arme efficace contre les paradis fiscaux. Méfions nous toutefois de reprendre un modèle américain
construit sur mesure pour les intérêts américains . Est-on certain par exemple que les Etats Unis accepteront
d’inclure le Delaware dans les Etats qui devront obliger ses banques à cette totale transparence sur les
comptes qu’elles abritent ? Les Etats Unis fondent la fiscalité sur le critère de la citoyenneté (un Américain
où qu’il soit dans le monde), en Europe c’est le principe de résidence qui prévaut : cela compliquerait la
transposition du FATCA en Europe. Alors plutôt que de recopier le FATCA, faisons notre propre FATCA à 27 !
La lutte contre la fraude fiscale est nécessaire mais nous devons éviter quelques dangereux écueils. Tout
d’abord la mise en cause des droits de la protection des données personnelles : si vos informations
bancaires sont accessibles aux administrations fiscales du monde entier, il faut de solides garanties et des
instances appropriées pour faire respecter vos droits. Deuxième écueil, les masses d’informations récoltées
par ce type de système seront colossales, même avec l’aide de l’informatique.
Arriverons nous à les traiter sans avoir à gonfler exagérément les effectifs d’agents vérificateurs?
Enfin, ne nous laissons pas berner par l’illusion que ces chiffres faramineux de la fraude fiscale
résoudraient d’un coup de baguette magique nos dettes publiques et nos déficits et qu’il n’y aurait
plus d’effort ou de sérieux budgétaires à faire.
**accises : taxes indirectes spécifiques sur la consommation ou l’utilisation de certains produits tels les
boissons alcoolisées, les tabacs manufacturés, et les produits énergétiques (pétrole, essence, électricité, gaz
naturel, houille coke).Tous les États membres de l’UE appliquent des droits d’accises, dont ils perçoivent
chacun les recettes.
**DIRECTIVE CRD IV appliquant Bâle 3** : normes bancaires destinées à mieux évaluer les risques bancaires
et principalement le risque de crédit, préparées par le «Comité de Bâle » (fixeront un minimum de fonds
propres requis et la révision des normes bancaires actuellement appliquées).
Comité de BÂLE : forum hébergé par la Banque des règlements internationaux à Bâle, réuni quatre fois par
an, pour traiter les pratiques de supervision bancaire.